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Reference:
La question de l’Europe est d’abord une question de littérature. La politique est un roman dont les chapitres ne cessent de se multiplier à l’envi, à partir d’un foyer central qui ressemble à une bouche de volcan. Alors pourquoi la littérature est-elle absente des études politiques ? On ne saurait pas le dire. Pourquoi le futur président de la République de l’an 3000 ne saurait-il pas lire ? Tout l’indique et Marc Dugain ne manque pas dans ce numéro de lire dans l’ascension dictatoriale du pouvoir numérique une déroute du tropisme littéraire, somme toute récente. Une agonie de la nuance au profit de l’algorithme. Mais en provenance de quel obscur réseau social clandestin ? De quel monstrueux complot ? Il n’y a pas si longtemps, un élève de quinze ans pouvait encore réciter du La Fontaine par coeur. C’est terminé. Que s’est-il passé ? Nul besoin, pour le comprendre, d’en appeler aux sirènes de la nostalgie. Il s’agit de voir les choses avec plus de finesse, d’humour surtout. C’est difficile. Mais ce n’est pas impossible. L’humour est une affaire essentielle, parce qu’il contient en lui-même les ingrédients nécessaires à la survie en temps de haute crétinerie. On s’interroge sur nos réserves, nos munitions. Certains hochent gravement du chef. Ils sont ennuyeux avec leurs avertissements. Car la grande épreuve n’est pas de faire son intéressant en habit de prophète, mais d’arriver à concilier l’humour avec le sérieux. Les esprits qui se croient forts ricanent au passage du Sérieux, ils ne se doutent pas que ce sont eux les imbéciles.
Bah.
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Date de disponibilité: 09/09/2021
Pour commencer cette journée ordinaire (7 mars 2021), prise au hasard (ou presque) dans la longue continuité de notre confinement, je la relierai d’abord à cette autre journée du printemps 1999 qui me servit de réponse à une enquête du Nouvel Observateur – et que je dédiai alors au peintre Spoerri, auteur d’un petit livre que je trouve admirable, Topographie anecdotée* du hasard.
Ce qui se produit en une journée est inépuisable, et pourrait remplir des volumes. Je me contenterai de mentionner les événements les plus marquants, les plus significatifs (pour moi), les plus compromis (dans le sens de la littérature compromise).
Hier Antoinette est morte.
Même avec une résistance extraordinaire, on ne peut pas survivre plus de trois semaines sans nourriture et sans eau : elle avait tenu un mois. Elle avait quatre-vingt-sept ans et avait passé les onze derniers mois à l’hôpital ; les dix dernières années de sa vie avaient été un calvaire de solitude : on ne pouvait que souhaiter la fin.
Elle n’avait pas de famille en dehors d’une cousine en Angleterre, et presque plus d’amis. Ma mère, sur qui Antoinette déversait son amour-haine avec une agressivité redoublée par la sénilité, ne voulait plus s’y frotter. Moi, sa filleule, j’étais la plus proche, mais j’habitais New York.
Très chère,
Rappelez-vous ce que proférait la voix montée des gorges du Colorado sous la nuit étoilée d’août : « John Wayne a mangé le meilleur steak de sa vie à Moab. » Cette histoire nous avait bien amusés. Alors nous descendions le fleuve dans une barge de débarquement et, sur la route de la berge, un camion appareillé d’un projecteur nous escortait pour illuminer les falaises ; c’est ainsi que nous en avons appris de belles sur Moab.
Le matin où mon père me chassa de la maison, il m’ouvrit le poing pour y glisser un billet de cinq cents francs et l’adresse de son ami M. « Au cas, me dit-il, où tu voudrais cultiver le seul talent que le ciel t’a donné. »
M. était un ami de jeunesse de mon père. Ils s’étaient rencontrés au conservatoire de musique après la guerre. Mon père était un violoniste remarquable mais il avait voulu devenir compositeur. Pendant trente ans, il avait épousé toutes les modes sous le prétexte mégalomane de les fondre. Les modes évanouies, il ne restait que des œuvres médiocres, pas même mauvaises, jus fade, l’eau de vaisselle de délices imaginés par d’autres.
À la gare, l’autre jour, alors que j’attendais le 15h38 pour me rendre à Paris, un homme a traversé la voie. Il est passé sous le train.
Puis il est ressorti de l’autre côté.
— Tu as tué trop de zombies, c’est pour ça.
Mon œil a explosé. C’est Kim, ma compagne coréenne, qui commente la déflagration avec la nonchalance d’un buraliste blasé, sans partager ma panique, que j’aimerais pourtant contagieuse.
Krisztina Tóth, née à Budapest en 1967, est l’une des grandes voix de la littérature hongroise contemporaine. Poétesse, romancière et novelliste, elle a publié en France le roman en nouvelles Code-barres, ainsi que des poèmes, notamment Le Rêve du Minotaure, mais aussi dans des anthologies, telles que Trois poètes hongrois. Son écriture sensible et virtuose, inspirée de ses études aux Beaux-Arts et de son travail de sculptrice, s’articule volontiers autour de structures narratives matricielles, tel le code-barres, qui séquence de manière fractale la voix et le visage des narratrices de son roman, ou encore le pixel, dans le livre qui porte ce titre et où chaque micro-chapitre offre un récit autour d’une partie du corps humain pour en construire, touche par touche, une image totale. Récemment victime d’une violente campagne de presse en Hongrie, Krisztina Tóth a reçu le soutien de nombreux écrivains français et des Éditions Gallimard. Elle avait rendu compte de l’épisode pandémique dans un Journal du Covid dont on trouvera une traduction ci-dessous.
Guillaume Métayer
Michel Crépu – Quelle place occupe selon vous la poésie dans le paysage littéraire actuel hongrois ?
Krisztina Tóth – La poésie a traditionnellement joué un rôle majeur dans la littérature hongroise. C’est encore le cas aujourd’hui, même si le roman est le genre le plus populaire comme partout dans le monde. L’importance de la poésie est probablement due à l’image du poète hérité du XIXe siècle. Le poète a toujours été un leader du peuple auquel les lecteurs prêtent attention. Je regarde personnellement avec une certaine distance cette image traditionnelle de la poésie, mais l’avantage de cette vision est que les poètes sont encore considérés comme ceux qui voient les phénomènes sociaux. Ils sont en quelque sorte les clairvoyants ou les chamans de
la société moderne, il y a donc une considération à la fois ataviste et bienfaisante.
Et dire qu’on en est là – et j’hésite encore en achevant cet incipit entre un point d’exclamation et trois points de suspension, entre la colère et la déploration. Quelle régression inouïe que d’en être arrivé en si peu de temps à débattre sérieusement de la question de savoir s’il était impératif d’être une femme noire pour traduire, à partir de l’anglais dans un certain nombre de langues, le recueil de poèmes d’une femme noire. On voudrait n’avoir même pas à en parler tant l’hypothèse offusque ce qu’il reste d’humanisme en nous. La honte nous envahit à l’idée même de parler de « races » quand on ne voudrait avoir à réfléchir qu’à la difficile transhumance de la
poésie d’une langue à l’autre, car c’est d’abord de cela qu’il devrait s’agir. Depuis quelque temps en Europe, le débat d’idées est si vicié par un vent mauvais venu d’Amérique qu’il donne vraiment envie de changer de contemporains.
Je me rappelle ce parent lointain – je dis
parent, c’était l’enfance
À table, ou lorsqu’on jouait, sans raison
un mensonge lui sortait – un exploit
une charge portée contre un autre
pour une bêtise de son fait
Selon la matière du mensonge, on pouvait
laisser dire, rappeler le danger du faux –
réfuter
...
Cela fait bien longtemps que je ne crois plus aux noms. Ce qui est écrit sur mon passeport ne me persuade pas. Des noms, il y en a eu d’autres ; des papiers, il y en a eu de faux. J’avoue ne pas croire entièrement non plus à cette nationalité française que le document me garantit. On pourrait me la reprendre, ça s’est vu.
Vous en souvenez-vous ? J’aimerais ! De tels voyages, de tels paysages, de tels instants valent de s’inscrire pour toujours dans les mémoires, et vivent en tout cas dans la mienne. Déjà n’emprunte-t-on pas maintes fois dans une existence le luxueux chemin de fer qui relie Bangkok à Singapour, cet Eastern and Oriental à la Paul Morand, à la Agatha Christie, voué à la célébration nostalgique et sophistiquée de la domination britannique sur cette partie de l’Asie. L’artisan de sa renaissance : un Anglais évidemment, enrichi dans le transport maritime, collectionneur de palaces et de trains mythiques
Une étude sérieuse récente montre que le quotient intellectuel des jeunes adultes baisse significativement. La même étude établit une corrélation entre cette baisse de l’intelligence mesurée et l’affaiblissement du langage. Le temps où l’on correspondait, où l’on échangeait de longues lettres manuscrites dont la calligraphie en disait aussi long sur celui qui vous écrivait que son propos a passé. Pour ne plus jamais revenir. Faut-il en être nostalgique ? Sauf que la question n’est pas de regretter d’anciennes pratiques scripturales millénaires mais de réaliser que la société numérique est celle du rétrécissement de l’être humain qui ne répond plus qu’à la pression péremptoire de son impatience.
Alexej von Jawlensky, peintre russe né en 1864, suit la carrière militaire puis les cours de Repine. Il étudie l’œuvre de Van Gogh en France en 1905 et peint dans l’atelier de Matisse. Sa rencontre avec la peintre Marianne von Werefkin, avec qui il vit jusqu’en 1921, est décisive. Il fait partie de l’aventure du « Blaue Reiter », le Cavalier bleu, avec Kandinsky. Atteint dans les années vingt d’arthrite aiguë, interdit d’exposition, son art considéré comme dégénéré par les nazis, il meurt à Wiesbaden (Allemagne) en 1941. Cent cinquante de ses œuvres sont conservées au Norton Simon Museum à Los Angeles.
Dans son essai À bâtons rompus sur le roman (1882), Robert Louis Stevenson avançait l’idée que les histoires ne sont pas inspirées par les lieux, ce sont plutôt les lieux qui sont porteurs d’histoires...
Hemingway était revenu de la guerre civile espagnole écœuré de la non-intervention des démocraties occidentales. Requinqué par le succès de Pour qui sonne le glas, il trouva intérêt pendant la Seconde Guerre mondiale, puisque les États-Unis et l’Union soviétique étaient alliés, à servir (sans épater personne à part lui) l’OSS, prédécesseur de la CIA, d’abord à Cuba sur son bateau de pêche, guettant d’introuvables sous-marins allemands, puis en France après le débarquement de 1944, alors qu’il était correspondant de guerre auprès d’un régiment de la division d’infanterie américaine du général Raymond Barton. Mais parallèlement il fut aussi, sous le pseudonyme d’Argo, à partir de janvier 1941, un agent de renseignement des services secrets soviétiques, improductif seulement aux yeux de ceux qui, à Moscou, attendaient de lui des rapports confidentiels et non des livres ou des reportages. Sa fort singulière double allégeance et son dépit, mal déguisé par ses vantardises, de n’avoir guère contribué à la libération de Paris, nourrirent en lui, envers le général Leclerc, une haine d’autant plus coriace qu’elle allait dans le sens de la propagande soviétique. Jamais il ne lui pardonna que le haut commandement allié ait accepté au dernier moment que sa 2e division blindée entre la première dans la capitale. Jamais il ne lui pardonna d’avoir commis à Rambouillet, la veille de l’offensive, le crime de lèse-majesté de le rembarrer alors qu’il se prétendait indispensable.
Les pages qui suivent proviennent d’un ouvrage à paraître, éclairant la brève et insolite rencontre de ce militaire et de ce romancier.
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