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Reference:
C’est José Cabanis qui relève cette image fugace, égarée quelque part dans un fouillis de Mémoires et d’images du temps. Nous sommes le soir du Sacre, journée épuisante à porter plus de soixante kilos de chape de velours sur les épaules, Napoléon rejoint les siens qui sont déjà rentrés aux Tuileries, il se jette dans un fauteuil, « rincé » comme il n’est pas permis. On se croirait dans une scène du Parrain. On est réellement dans une scène du Parrain. Napoléon règne sur sa bande familiale, il ne sait pas où il va, la seule chose qu’il sache vraiment c’est son moi propre qui étonne le monde. On connaît la phrase à l’oreille de son frère : « Joseph, si notre père nous voyait ! » Deux cents ans plus tard, aujourd’hui, le mystère reste entier. Cyril Roger-Lacan, relisant les mémoires du général Marbot, observe que la « part d’énigme s’accroît avec le temps ». Non pas l’histoire d’une conquête, non pas l’application d’une stratégie : concepts qui ne suffisent pas à remplir l’énormité de la chose. Alors quoi ? Le roman lui doit tant que cela vaut bien un numéro de La NRF.
Napoléon, c’est-à-dire ?
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Date de disponibilité: 01/07/2021
C’est José Cabanis qui relève cette image fugace, égarée quelque part dans un fouillis de Mémoires et d’images du temps. Nous sommes le soir du Sacre, journée épuisante à porter plus de soixante kilos de chape de velours sur les épaules, Napoléon rejoint les siens qui sont déjà rentrés aux Tuileries, il se jette dans un fauteuil, « rincé » comme il n’est pas permis. On se croirait dans une scène du Parrain. On est réellement dans une scène du Parrain. Napoléon règne sur sa bande familiale, il ne sait pas où il va, la seule chose qu’il sache vraiment c’est son moi propre qui étonne le monde. On connaît la phrase à l’oreille de son frère : « Joseph, si notre père nous voyait ! » Deux cents ans plus tard, aujourd’hui, le mystère reste entier. Cyril Roger-Lacan, relisant les mémoires du général Marbot, observe que la « part d’énigme s’accroît avec le temps ». Non pas l’histoire d’une conquête, non pas l’application d’une stratégie : concepts qui ne suffisent pas à remplir l’énormité de la chose. Alors quoi ? Le roman lui doit tant que cela vaut bien un numéro de La NRF.
Napoléon, c’est-à-dire ?
Brusquement, la lumière s’est éteinte.
L’éclairage pouvait-il être commandé depuis l’extérieur? J’étais seule dans la salle d’attente, et une chose est sûre: je n’avais pas appuyé moi-même sur le bouton ; l’interrupteur se trouvait derrière le bureau de la secrétaire.
C’est la fête aujourd’hui.
L’été, il y a des fleurs énormes et encore pleines de la rosée du matin qui a tourné. La pelouse rêche se dégrade en jaunes vifs, en vert fluo sous moi, je suis par terre depuis bien trop longtemps. J’ai de longues traces de plantes sur les jambes, elles sont roses, je suis allergique aux graminées.
Le jardin dans la ville. « T’es prête ? »
La recherche des ancêtres m’a toujours paru assommante, et même douteuse. Quelle mouche pique ces gens qui partent en quête des générations anciennes et les vampirisent en se construisant d’augustes histoires ? Il ne me viendrait pas à l’idée de faire un test ADN, ni de farfouiller dans les archives, ni de partir sur les traces d’inconnus et de m’attendrir sur des momies d’un autre temps. Mais en finir avec la généalogie ne se décide pas d’un claquement de doigts.
S’il y a un lieu sur terre où règne la biodiversité, c’est bien le monde romanesque de Nabokov. Dans ce cabinet de curiosités, les curiosités sont l’existence même. Le propriétaire accueille, épingle et active mille spécimens sensibles et ambigus. Parmi eux, il y a des papillons et des nymphettes. Il suffit de les lire pour que leurs vitrines s’ouvrent et qu’ils se mettent à vivre. Ils sont d’autant plus vifs qu’ils paraissent toujours uniques et en voie de disparition. Pour entrer dans l’aventure, le lecteur doit développer un état particulier : une disposition à l’enchante- ment. Cette disposition est une fièvre."
Napoléon comparait volontiers sa vie à un roman. En tout cas, il le dit dans une phrase restée fameuse: «Quel roman pourtant que ma vie!» – phrase qui, peut-être, ne fut pas de lui, dont on peut supposer qu’il ne la prononça jamais mais que, parmi beaucoup d’autres d’une vraisemblance tout aussi douteuse, Las Cases lui prête dans son Mémorial de Sainte- Hélène. Peu importe! Du roman de sa propre existence, Napoléon se voulut certainement à la fois l’auteur et le héros.
Le coup de génie de Las Cases est d’avoir senti que la construction du mythe devait se passer de toute trace visible de littérature. Pétri de ruse et finesse, son texte garde toujours le ton de naïveté des témoins des légendes. Élégance invisible et fausse simplicité, tissage calculé d’anecdotes, de réflexions, de croquis sur le vif, de rêveries historiques ou métaphysiques à la Sophocle mêlées à des exposés sur le libre-échange, l’encouragement du mérinos ou la culture de la betterave, cet entrelacement faussement naturel est un trompe-l’œil qui crée une merveilleuse illusion d’intimité et de véracité mais n’est qu’un effet de l’art, une merveilleuse comédie de mots.
Ma mère avait conservé de ses années d’enfance plusieurs daguerréotypes de sa maison de famille, en Lorraine près de Metz. Tous les ans elle y passait ses vacances, une sorte de mois d’août enchanté à la façon d’Elizabeth von Arnim dans une campagne encore rurale, mangée par la forêt et les souvenirs de guerre, où les routes étaient bordées de mirabelliers et les villages sagement alignés le long de leur unique rue. C’était, à Pange, une grande bâtisse construite sous Louis XV au temps des fermiers généraux, le long de la Nied française.
Napoléon est un plaisir d’enfant partagé par les adultes, qui l’aiment comme des enfants. Voilà ce qui agace. «Cessez, cessez donc de l’aimer!» répètent les grincheux. C’est qu’ils ignorent que Napoléon ne se contentait pas d’être le plus grand stratège, il était aussi le plus habile des séducteurs. De même que l’on continue d’être fasciné par ses victoires, on ne cesse de céder à son charme. Comment un homme si déplaisant, il l’était, provoquait-il, provoque aujourd’hui encore, autant de sympathie?
«Je l’engage à écrire pour la défense et la gloire des armées françaises, et à en confondre les calomniateurs et les apostats.» À cette invitation testamentaire de Napoléon, assortie d’un legs généreux, le général Marbot sera fidèle, tout en prenant son temps: il rédigera en effet dans les dernières années de la monarchie de Juillet les célèbres Mémoires qui ne seront édités qu’en 1891. Ils figurent parmi les plus passionnants témoignages de la geste militaire napoléonienne.
Il se pourrait qu’un jour un promeneur, égaré dans la forêt, tombe sur cette liasse. Une liasse? Que non pas. Une Correspondance plutôt comme il s’en tenait encore jusqu’aux derniers jours de la vieille Europe. Ici, 1938, deux figures terriblement attachantes, typiques, ou plutôt non, justement pas typique de l’époque, mais bien mieux encore, plus discret, plus fin, plus profond : deux lecteurs de Descartes, deux lecteurs de Nietzsche, un Français, Jean Wahl, un Allemand, Karl Jaspers. Non pas des géants, mais des familiers du monde de la pensée. MC
A priori, il n’y a rien de commun entre Marcel Proust et Jean Schlumberger. Du premier nous savons presque tout : dernier démiurge du grand siècle du roman, auteur hypersensible d’une œuvre luxuriante, qu’on relit sans cesse sans jamais y sauter les mêmes passages ; du second, nous ne savons presque rien : auteur méconnu de théâtre et de roman, membre fondateur de La Nouvelle Revue française dont il fut « un élément moteur », écrivain de la réconciliation aussi discret qu’équilibré…
Le 5 juin dernier, voilà un siècle que décédait Georges Feydeau dans un sanatorium de Rueil-Malmaison, victime à cinquante- huit ans des suites d’une méningo-encéphalite syphilitique. Sa dernière pièce, Hortense a dit « J’m’en fous », avait été créée cinq ans plus tôt, en 1916.
Il faut faire résonner Michel Le Bris. Dire la formidable unité du personnage. C’était un homme tout de résonances. Au commencement, le Néant, mais peuplé du bruissement de la mer. Il construirait une tour de Babel. Père aussi inconnu que celui d’un Gustave Aimard, auteur de La Fièvre d’or (1860) et du Chercheur de pistes (1858), qui enchante son enfance. Mère servante au château non loin. Son domaine à lui est la poussière d’un grenier, mué en château, palais des vents soufflé par la mer, battu par son pouls, empli du bruit de mille romans d’aventures : nul doute que le petit Le Bris, comme Carabas, sortirait un jour de là devenu géant à son tour, à force d’avoir dévoré des colosses. Lilliputien, il est déjà l’homme aux mille tours.
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