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Reference:
Nous sommes entrés dans la pandémie comme dans une maison en trompe-l’œil, dont nous pensions connaître toutes les pièces. Or rien n’y était attendu. Une chambre devenait une salle de bal, la salle de bal semblait tout à coup un réduit à balais. Il n’y avait pas de jour qui n’apparût soudain comme un traître, un revendeur de fallacieuses promesses. Tel qui se croyait tiré d’affaire grâce au vaccin se voyait soudain promis à un funeste avenir de cobaye. Peu à peu, comme au sortir d’un mauvais rêve, nous nous sommes rendu compte que nous n’habitions plus la même demeure. Où étions-nous ? Qui étions-nous ? Qui nous avait déménagés dans la nuit ? Patrice Jean se souvient d’Henri Michaux introduisant un chameau à Honfleur. Nous sommes tous des stupéfaits du chameau d’Honfleur. Nous sommes des égarés qui avançons à tâtons dans le labyrinthe d’un monde qui nous était autrefois familier. Le chameau de Michaux, c’était le bon temps. Ce merveilleux monde d’avant qu’il nous arrive parfois de croiser à la fenêtre d’un train courant en sens inverse. « Ohé les amis, leur crions-nous, où allez-vous comme ça ?? » Ils y vont. C’est ce que ce numéro NRF de printemps voudrait bien savoir.
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Date de disponibilité: 01/05/2021
Nous sommes entrés dans la pandémie comme dans une maison en trompe-l’œil, dont nous pensions connaître toutes les pièces. Or rien n’y était attendu. Une chambre devenait une salle de bal, la salle de bal semblait tout à coup un réduit à balais. Il n’y avait pas de jour qui n’apparût soudain comme un traître, un revendeur de fallacieuses promesses. Tel qui se croyait tiré d’affaire grâce au vaccin se voyait soudain promis à un funeste avenir de cobaye. Peu à peu, comme au sortir d’un mauvais rêve, nous nous sommes rendu compte que nous n’habitions plus la même demeure. Où étions-nous ? Qui étions-nous ? Qui nous avait déménagés dans la nuit ? Patrice Jean se souvient d’Henri Michaux introduisant un chameau à Honfleur. Nous sommes tous des stupéfaits du chameau d’Honfleur. Nous sommes des égarés qui avançons à tâtons dans le labyrinthe d’un monde qui nous était autrefois familier. Le chameau de Michaux, c’était le bon temps. Ce merveilleux monde d’avant qu’il nous arrive parfois de croiser à la fenêtre d’un train courant en sens inverse. « Ohé les amis, leur crions-nous, où allez-vous comme ça ?? » Ils y vont. C’est ce que ce numéro NRF de printemps voudrait bien savoir.
Mon cher X,
Je me souviens de notre dernière conversation, dans le salon. C’était un soir d’hiver, il n’y a pas si longtemps... Mais je ne parviens plus à situer cela sur le calendrier ; toute chronologie se brouille, me laissant en marge, coincé dans ce présent fragile, entre un passé flou, confus, mais insistant, et un avenir muet, qu’aucun horizon ne parvient à dessiner. Cet échange – le mot est sans doute excessif – a précédé, indirectement annoncé, la rupture de notre longue et fervente amitié – c’est moi qui l’évalue, l’adjective ainsi.
Le réel n’est pas rationnel, pensais-je, en marchant, les piedsnus, sur la plage de La Baule. Hegel le croyait pourtant ; et je l’ai cru, enfant et adolescent. À la radio et à la télévision, dans les repas de famille, à l’école, dans les livres, on prenait les choses au sérieux, les scientifiques scientifiquaient, les politiques politiquaient, les maîtres surveillaient la cour de récréation. Oh, la corde tendue, régulièrement, se relâchait, on partait en vacances, on paressait, on fêtait un anniversaire, mais c’était pour mieux s’en retourner dans les wagons du sérieux. Puis, ma tête a buté contre un mur, une bulle, une idée, que sais-je, le sérieux s’est brisé en morceaux, il n’en est plus resté que le souvenir, celui d’un monde qui savait où il allait.
Ironie du sort : un corpuscule infectieux de quelques nanomètres a réussi à susciter en deux mois ce qu’aucune grève insurrectionnelle ni aucun mouvement altermondialiste n’a jamais pu obtenir, aucune guerre mondiale ni aucune internationale stalinienne, nazie ou djihadiste : la fermeture de la plupart des frontières, l’arrêt des chaînes de production et d’assemblage, l’immobilisation de millions de trains, d’avions et de tankers, et pour finir la mise en quarantaine de l’essentiel de l’humanité. Invisible et silencieux, inodore et impalpable, un microvirus a mis à genoux une humanité bardée d’armes, de technologie et de médicaments en privant des milliers d’entre nous d’oxygène, jusqu’à saturer nos hôpitaux et nos morgues. Et ceci sans le moindre plan ou la plus petite arrière-pensée, par la seule force d’un vouloir-vivre échevelé.
Jusque-là, nous avions tenu.
*
Nous avions tenu. Tout semblait nouveau. Ou peut-être que quelque chose finissait. Il y avait eu ou il y aurait un basculement, disions-nous. Étions-nous avant ou après ? La porte s’était-elle entrouverte ou refermée ? Et sur quoi ? Un désastre ? Un élysée ? Un monde ?
Nous avions un peu peur, mais nous n’en disions rien.
La Bible est toujours un théâtre des relations entre l’homme et Dieu, à partir d’un événement incompréhensible. Ici l’épisode célèbre de la tour de Babel. Archéologue et bibliste, Chantal Crêtaz nous en livre les étapes, une intelligence de l’événement.
Tu envisageais d’intituler ce texte : « Vivre et écrire au temps de la Covid-19 ». Tu avais pris des notes, plusieurs thèmes se dégageaient. Cela n’avait pas tenu.
Courant janvier 2021, j’ai reçu un message de mon ami O., qui souhaitait fêter avec moi l’anniversaire, non d’une personne ou d’un événement, mais d’une phrase. D’une phrase que j’avais prononcée lors d’un dîner chez lui, un an plus tôt jour pour jour. J’avais en effet déclaré (et il n’est pas impossible qu’un mouvement crâne de menton ou de cheveux ait accompagné cette déclaration) – j’avais en effet déclaré que « moi, cette histoire de coronavirus, je n’y croyais pas du tout ».
Pourquoi la poésie de Paul Celan nous parle-t‑elle aujourd’hui ? Pourquoi l’œuvre du poète juif allemand nous semble-t‑elle toucher au plus près à notre rapport au monde qui se trouve bouleversé depuis un an par la Covid-19 ?
« Faire du courage » est une expression qui me vient de ma mère et que j’ai rapportée dans De mémoire. J’ai été surprise autant qu’émue par la résonance de l’expression dans les critiques et jusque dans les rencontres publiques, révélant une tension dynamique entre le livre et ses lecteurs – un auteur ne saurait rêver mieux.
C’est un soir d’hiver en 2021, un soir comme les autres, peu ou prou semblable à ceux qui s’écoulent depuis maintenant près d’une année, autrement dit un soir qui commence tôt et qui se tient chez soi : un soir de couvre-feu. Vers neuf heures et demie, je suis allée rejoindre les autres, et à l’instant où je suis entrée dans la pièce, j’ai perçu une légère tension dans l’atmosphère, une vibration inhabituelle : les visages étaient concentrés, les yeux braqués sur la télévision.
Victoria Sin (né·e en 1991 à Toronto) utilise la performance, l’image animée, l’écriture et l’impression afin d’enrayer les mécanismes normatifs du désir, de l’identification et de l’objectification. En puisant dans les croisements intimes et personnels entre regard et désir, son travail propose des récits fantasmatiques très élaborés autour de l’expérience souvent troublante du corps physique dans le corps social.
— Alors voilà, c’est un début, ça n’a rien de figé, on discutera après.
— Vas-y, je t’écoute.
— Je lis ? Bon allez. Donc. Juin, beau temps, travelling latéral sur la façade d’une très grande maison provençale, grande terrasse de dalles roses en surplomb de la mer. Plan large. Deux femmes boivent le café sur des transats, on les entend de loin : « S’ils arrivent mardi on peut rester un jour de plus...
— Je ne sais pas... J’ai déjà demandé aux enfants de descendre les draps... J’en ai un peu marre. J’ai envie de montagnes... »
Quand on est rentrés du raid chez les anti-balaka une espèce de brouillard poisseux annonçait la nuit pas loin. On était tous entassés à l’arrière des pick-up, couverts de sang et de transpiration. Le paysage caillouteux et morne filait devant nous. Massoud au volant gueulait plus fort que la musique à fond. Les amphètes qu’il nous avait filées le matin nous avaient donné direct la haine contre les anti-balaka. On avait tous tiré dans le tas. À mon avis Massoud avait un peu forcé sur la dose. J’étais monté sur ressorts. Zacharie ressemblait au chien enragé qui traînait le matin autour de notre dortoir. Je lui ai crié en rigolant.
Gueorgui Efron avait dix-neuf ans lorsqu’il a disparu sur le Front de l’Est en 1944. Le fils de la poétesse russe Marina Tsvetaieva a vécu une vie brève et dense dont l’intensité nous parvient grâce à son journal. Dix-sept cahiers d’écolier, soit huit cents pages continues, enregistrent en temps réel ses dernières années, de 1939 à 1943, dans le sillage des grandes purges staliniennes, sur le plus vaste champ de bataille de l’histoire mondiale. Le journal est une mise en texte de sa vie, et bientôt une entreprise de survie manuscrite, le matériau humain d’une œuvre à venir. La littérature surgit de cette expérience d’écriture intégrale.
Elle s’approche du microphone. Vingt-deux ans, grande jeunesse, belle architecture de visage, les yeux rieurs, boucles d’oreilles créoles en diamants. Les experts en sémiologie de la mode n’ont pas manqué de commenter son bandeau rouge écarlate – remake de la casquette rouge des supporters de Trump, et qui couronne une masse de tresses africaines relevées en chignon. Elle porte une chemise blanche classique sous un long manteau Prada d’un jaune éclatant. Elle est tout et son contraire : sérieuse et festive, étudiante et reine.
Bien sûr, il nous pèse, indéniablement. Parfois cependant il s’éclipse de nos consciences, autorisant l’escapade qu’en temps normal nous ne nous serions pas accordée, et que le hasard vient nous proposer. Presque en même temps me sont livrés trois paquets, de livres probablement : je les ouvre par ordre de poids, du plus volumineux au plus léger.
Un roi règne, seul, sur l’île Sandwich, en plein milieu du Pacifique. C’est ce qu’on disait autrefois. Son histoire a disparu, aucun scribe ne l’a retenue, recopiée pour d’autres lecteurs. C’était un roi sans histoire, qui n’a peut-être jamais existé. Mais on peut très bien croire à des rois qui n’ont jamais existé, la preuve. C’est Pierre Loti qui mentionne son existence dans ce livre étrange, peu connu : Le mariage de Loti. La scène se passe en Polynésie, parmi les roses, les hibiscus et les jonquilles tropicales, là où le soleil et la lune sont les partenaires d’un ballet sans fin où l’Histoire n’a pas lieu. À moins qu’elle ait eu lieu déjà et que son compte soit soldé, en haut de l’étagère, où personne ne va jamais.
Certainement l’un des auteurs les plus discrets. Son œuvre, réelle, figure au tableau général comme un mince village de mots. Écrivant des livres sans étiquette identifiable, à mi-chemin de la chronique, du journal, de la short story qui n’a pas du tout envie qu’on l’appelle ainsi.
« Une fin heureuse, ça dépend du point où on arrête l’histoire », la citation d’Orson Welles est bien connue. Elle pourrait être l’exergue de Normal People, roman tant attendu en France de Sally Rooney, nouveau phénomène des lettres irlandaises, depuis son très remarqué Conversations entre amis.
César et toi : il faut lire ce titre avec attention, ne pas se laisser impressionner par le nom propre, son prestige, et la promesse de monument qu’il charrie avec lui. C’est le « et toi » qui donne le ton du livre de Marianne Alphant, en annonçant sa méthode. Le ton : légèreté du pronom, incongruité comique de l’analogie entre le grand homme antique, et un « tu » bien familier et forcément présent.
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