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Date de disponibilité: 01/08/2019
La seule institution à quoi l’on puisse comparer la rentrée littéraire française (pléonasme) est le Tour de France. Il est d’ailleurs curieux que Roland Barthes, au moment de ses Mythologies, n’ait pas fait halte chez Drouant. Outre d’étancher sa soif et de regonfler un pneu faiblard, il y aurait rencontré des spécimen dignes de figurer au dictionnaire de la singularité française et dignes encore d’ajouter un chapitre aux fureteuses mythologies.
Dans le ventre de la baleine, c’était le titre de l’exposition conçue par l’artiste Reeve Schumacher à l’église des Frères Prêcheurs d’Arles, du 1er au 31 mai 2019. Entré là, ce titre en tête, c’était imparable : aussitôt on y était. Dans le ventre immense d’un monstre marin. Dans la panse gigantesque d’une bête inconnue dont la musique de Reeve Schumacher, jouée presque en continu pendant un mois, était le chant. Invité, comme plusieurs autres artistes et complices de son travail, à imaginer une intervention pendant l’exposition, j’ai décidé d’imiter Jonas, qui dans la Bible demeure trois jours et trois nuits dans les entrailles du poisson.
C’est un texte qui aurait pu s’intituler Souvenirs de la cour d’assises mais André Gide l’a déjà fait dans ce qui est devenu – au cours de ces longs mois passés à arpenter les longues allées du Palais de justice de Paris – mon livre de chevet. En 1912, Gide est juré. Il en garde une « fascination pour le droit » et découvre « à quel point la justice humaine est chose douteuse et précaire ». Chez moi, la fascination est ancienne : j’aimais le droit – qui structure – et la littérature – qui déconstruit.
Ma bibliothèque est tellement mal rangée que chaque fois que j’y cherche un livre, j’en trouve un autre. Afin de répondre à une enquête que m’avait adressée une revue et qui portait sur le roman européen d’aujourd’hui, aucun exemple ne me semblant plus approprié que celui de Peter Handke, l’autre jour, je voulais remettre la main sur mon exemplaire de Mon année dans la baie de Personne. Impossible ! J’ai tout mis sens dessus dessous.
Les bords de ce souvenir sont flous, imprécis : je ne sais pas si c’est un matin ou un après-midi, ai-je 11 ou 13 ans, est-ce en été quand mes jambes collent au skaï des sièges de l’autobus, ou est-ce en hiver quand la vie monotone que je mène me semble plus difficile, plus ardue ? Avec la classe, je suis en route pour la prison des femmes – nous devons y jouer une courte pièce de théâtre comique et exécuter une chorégraphie sur une chanson pop. C’est notre professeure de sciences sociales qui a organisé cette sortie ; c’est une femme qui, disent mes parents, « fait du travail social ».
On sait que le jeune Marcel pensait en s’endormant à la rivalité entre François Ier et Charles Quint, dernière tentative, par l’absorption de la France, de rendre au Saint-Empire ses dimensions continentales, on sait que l’un des collégiens de Fermina Marquez rêvait du rétablissement de l’Empire Romain et de la langue latine, on sait que Napoléon fut le plus proche de réaliser ce rêve d’un Empire non pas européen…
L’après-midi d’un dimanche d’hiver, je suis avec ma mère à Ciel bleu, un établissement pour personnes âgées en banlieue tokyoïte où elle vit depuis deux ans. Il est quatre heures et demie. Nous sommes assis autour d’une table carrée près d’une grande baie vitrée qui donne sur le jardin bordé d’un côté par un cerisier dévêtu et de l’autre par un érable encore rouge, mais d’un rouge déjà envahi, de-ci de-là, de taches noires. Le jour commence à céder à la nuit. Un vaste voile couvre la ville et fait taire sa rumeur.
Alain Finkielkaut – À vrai dire, j’ai eu une enfance heureuse, les épreuves passées de la guerre ne me touchaient pas véritablement, car il y avait entre nous une sorte d’intimité, d’abri familial. J’ai été un enfant choyé par mes parents, il n’y a pas d’ombre à ce tableau familial où je figure le fils unique, faisant l’objet d’une affection particulière.
Les cent-vingt premières années de ma vie ont été plutôt calmes.
J’ai grandi parmi les miens dans une forêt en pente douce, orientée vers l’est. Y passaient rarement, pendant cette longue enfance, des chasseurs, des charbonniers, un paysan tenant en laisse un cochon, et même une fois des soldats blessés en déroute.
Depuis la nuit où l’incendie de Notre-Dame a illuminé Paris comme un grand feu de cheminée, je ne passe plus sur le pont de Sully sans appréhension. Au fur et à mesure que je continue sur le quai de la Seine pour me rapprocher de la cathédrale, il me semble qu’il émane d’elle un soupir exténué, la respiration lente et profonde d’un gros animal marin échoué sur un rivage, comme celui des anciennes locomotives à vapeur haletant au bord du quai.
Dans les premiers jours de 1913, Proust souhaite se rendre en pèlerinage au portail Sainte-Anne de Notre-Dame-de-Paris. Il y a là « depuis huit siècles une humanité beaucoup plus charmante que celle que nous fréquentons, dit-il. Mais jamais les yeux de ceux qui passent devant elle ne se lèvent ni s’arrêtent, ce sont “des yeux pour ne pas voir”. Et mes yeux peut-être, eux, regarderaient et aimeraient ; mais ils ne passent pas devant elle et ils ne s’ouvrent que dans l’obscurité et ne regardent qu’un mur de liège. »
Cette inscription sur un médaillon roman, à la clef de la troisième arcade sud de la nef de Vézelay montre une femme assise, couronnée, tenant un étendard de la main droite et une église de la main gauche ; elle rappelle l’incendie qui ravagea la basilique le 21 juillet 1120, veille de la fête de la Madeleine. Ce soir-là, l’église était remplie de pèlerins. Le feu prit dans la charpente, laquelle céda en entraînant la toiture qui s’effondra sur la foule, faisant 1127 victimes.
N’allons pas tout de suite au centre. Au cœur du brasier. Laissons brûler l’édifice quelque temps. Ne nous prenons pas non plus pour des pompiers avec la science. Le mal est fait. L’intervention sur les ruines encore fumantes devra s’avérer chirurgicale. Recomposer la flèche, les parties hautes, la charpente, est affaire d’architectes avec leurs chiffres et leurs idées, nous la leur laissons. Nous la poésie, je m’empresse de le dire, commencerons par mettre de côté toute manifestation publique d’émotion.
Nous venions d’arriver à Yerevan en délégation universitaire pour retrouver des collègues, un directeur de musée, quelques étudiants, et parler, dès le lendemain matin, de l’œuvre du réalisateur Serguei Paradjanov dans le théâtre des Marionnettes, rue Sayat-Nova. Comme souvent en ce type de circonstances, nous disserterons, à tour de rôle, devant des fauteuils vides, seuls quelques rares participants, arméniens et géorgiens, se trouvaient là, fervents ou égarés, une quinzaine peut-être dans une salle prévue pour plus de deux cents personnes.
Mais d’où tirent elles leur courage, leur force, leur audace pour trouver les mots ? Comment sont-elles descendues à l’intérieur d’elles-mêmes – ce que Marguerite Duras nommait le puits noir – pour nous restituer, par la grâce de leur écriture, une aventure intérieure, un parcours psychique, un combat spirituel, une volonté farouche de ne pas se soumettre à la dissociation de soi-même ?
« Il faut l’amour de la danse pour tenir bon.
Elle ne donne rien en retour, pas de manuscrits à mettre de côté, pas de peintures à montrer sur les murs et à accrocher dans des musées, pas de poèmes à imprimer et à vendre, rien que cet instant unique et fugitif où l’on se sent vivant. La danse n’est pas pour les âmes incertaines. » Merce Cunningham.
Né en 1919, disparu en 2009, Merce Cunningham reste l’un des plus grands chorégraphes du xxe siècle.
Le premier roman de Regina Porter est un ample récit choral, comme la fiction américaine, littéraire ou cinématographique, en produit tant, de Don DeLillo (Outremonde) à Robert Altman (Short Cuts, par exemple) en passant par les séries télévisées les plus ambitieuses. On y parcourt les vies d’une myriade de personnages, autour de deux pôles, deux familles, une blanche, les Vincent, et une noire, les Christie. Les trajectoires se croisent et se recroisent, s’ignorent ou se nouent entre le mitan des années 50 et le début du xxie siècle, sur fond d’histoire américaine, des luttes pour les droits civiques au premier mandat d’Obama, en passant par la guerre du Viêt-Nam et les années Reagan.
Comme un aliment change de goût selon les conditions dans lesquelles on l’ingère, une tomate n’a pas la même saveur en primeur qu’en pleine saison, un livre change de sens au gré du dispositif dans lequel il s’intègre. Le club des gourmets de Ryoko Sekiguchi, poétesse, traductrice, critique gastronomique, publié en 2013, ressort aujourd’hui en poche au cœur de la rentrée littéraire. Inactuel.
Lanny est un petit garçon aussi étrange que tendre et imprévisible, occupé à bavarder avec les arbres, à construire des cabanes, à vivre la belle vie au sein d’un village rural non loin de Londres. On l’observe à travers les yeux des différents membres de cette petite communauté d’un vert bien anglais, ceux de sa mère, bien sûr, autrice de polars sanglants, en adoration devant les trouvailles et la grâce de son petit bonhomme, ceux de son père, qui semble davantage préoccupé par son travail de gestion d’actifs à Londres et par la rentabilité de sa coûteuse voiture, et surtout ceux de Pete, un artiste vieillissant qui eut son heure de gloire et que la créativité bouillonnante de Lanny ravit.
À quoi reconnaît-on qu’un écrivain fait œuvre ? Plus qu’à une tonalité propre, à une façon d’être hanté et de hanter le lecteur. Assurément, depuis plus de dix ans et en une quinzaine d’ouvrages, Pierre Cendors a su constituer, par un savant jeu de contrastes, d’ombres et de lumières, un univers immédiatement reconnaissable. Ses personnages ont la discrétion de fantômes, la présence feutrée d’êtres en retrait, à l’écart, volontairement perdus dans des villes intemporelles.
Ses compagnons de bar l’appelaient volontiers « Bacon-egg » et Francis Bacon accompagnait cela d’un verre de Mouton-Rothschild ou quelque autre boisson de son choix. C’est une chose bien mystérieuse que la vie d’un peintre, surtout quand il joue dans la cour des plus grands. Le trivial du quotidien le plus « sale » y côtoie l’air des cimes sans qu’il y paraisse. Franck Maubert a eu cette chance de rencontrer l’homme qui était alors le plus grand peintre vivant et d’en tirer le petit livre que voici, tout de modestie et d’admiration non confite.
Mon ami Max qui a des penchants catholiques a lu l’enquête passionnante, Sodoma, publiée par Frédéric Martel sur la place de l’homosexualité et la pédophilie dans les hautes sphères angéliques du Magistère romain. Max est fébrile, il s’inquiète. Est-ce que Rome ne va pas s’écrouler ? Il ne manquerait plus que ça. Un requiem en acte, finir en beauté comme dans les tableaux péplum de Thomas Couture ! Les signaux avertisseurs se multiplient depuis que Notre-Dame a failli partir en cendres.
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