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Reference:
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, puisque quelqu’un l’a fait. Cinquante ans de travail, mille pages de Vélimir Khlebnikov traduites du russe par Yvan Mignot aux Éditions Verdier, mais du russe comme Saint-Simon est du français. Les comparaisons explosent, car il faudrait imaginer aussi bien Rabelais mélangé avec l’écriture automatique des premiers surréalistes et encore bien d’autres bombes, ce qui n’est pas humainement envisageable. Khlebnikov, tel qu’en lui-même, présenté superbement par Stéphanie Cochet, est assis au cœur de cette nouvelle NRF de printemps comme un derviche kalmouke, les poèmes lui tombant en lambeaux de poches plus grandes que son manteau d’ours.
Emil Cioran, si jamais il eut l’occasion de le lire, ce qui est très possible, car beaucoup ont tenté leur chance de le traduire, a dû goûter à cette prose poétique totalement irrécupérable, à des années lumières de son clavecin décharné. On lira ici même un choix de six lettres adressées par lui à son ami d’étude Petre Tutea, entre 1935 et 1939, époque de son départ de Roumanie pour Paris. Ces six lettres proviennent d’un ensemble de documents retrouvés dans les archives de la Securitate, l’ancienne police politique du régime communiste. On y retrouve le Cioran qu’on aime, l’écrivain qui a fait le voyage spirituel vers Paris, cette « France » des moralistes et d’un Voltaire acéré qu’il aime tant et dont il a fait son miel, comme si l’auteur du Précis de décomposition avait trouvé dans ce qu’il appelle « la grammaire » un viatique de désenvoûtement.
Eryck de Rubercy nous présente ici sobrement la publication de La vérité sur les Cahiers noirs, par Friedrich-Wilhelm von Hermann et Francesco Alfieri, qui expose la vulnérabilité de Heidegger face à la question juive. Problème réel qu’il n’est pas question d’évacuer par la porte de service. Rien de plus passionnant au contraire (comme c’est aussi le cas avec les fameux pamphlets de Céline) de saisir l’inextricable écheveau où le grand penseur du nihilisme propre au xxe siècle se trouve lui-même pris dans la nasse. Il y a là un dossier que les seuls fameux Cahiers noirs ne contiennent pas tout à fait tant il est vrai que c’est l’œuvre entière qu’il faut considérer. Mais ce n’est pas à un éditorial qu’il revient d’en trancher. Souhaitons surtout que les lecteurs de Heidegger aient le désir de poursuivre la route ainsi que cet ouvrage y invite avec sagesse.
Ces combats titanesques semblent nous éloigner des romanticules de la dernière rentrée littéraire. Certains le pensent, persuadés que nous sommes entrés dans l’ère de l’Abêtissement télévisuel apocalyptique, tel Frédéric Beigbeder, sur le mode mondain-champêtre que nous lui connaissons et qu’on retrouve au sommaire, une fois de plus dans l’habit du faux moraliste, trop peu dupe de son affaire pour s’attarder en route. Ariane Monnier dans le numéro précédent avec son étonnante Cravate, Grégoire Bouillier ici dans un panégyrique bossuétien du rugby, Alban Lefranc à la recherche de l’« ami d’enfance » dans les couloirs de la Cité Internationale, Pauline Perrignon poursuivant le voyage de la séparation après la mort de son père, Stéphane Zagdanski comme un balzacien de Manhattan, offrent une diversité de formes et d’expériences qui ne supportent pas l’enrôlement sous une quelconque bannière. À quoi bon vouloir les faire tenir, eux et les autres, coûte que coûte dans une thématique de tendance ?
Le concours des circonstances, après avoir mené les funérailles de Johnny et Jean d’Ormesson dans le rôle du dernier oncle lettré a vu la disparition soudaine et brutale de deux très grands éditeurs, Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens. Leur disparition fait voir cette étonnante diversité de la littérature française actuelle dans une lumière égale, étrange par l’espèce d’équilibre qu’elle réalise, son pouvoir discret d’enchantement à l’écart des grandes avenues aussi bien que des sentiers de broussaille un peu trop estampillés tels.
Bienvenues à cet égard, les réponses du compositeur de musique contemporaine Sebastian Rivas aux questions d’Anne Montaron qu’on lira ici en écho aux bonnes feuilles que Paule du Bouchet consacre à son père, le poète André du Bouchet . On se trouve ici en effet au point d’intersection musical où le poème croise le roman tout comme Valéry trouvait à Degas la matière chantante d’un trait complètement délivré de toute intention. L’exposition au musée d’Orsay commentée par Victor Claass nous en fait entendre la merveilleuse variation. D’ailleurs, cette question de la musique et du texte, du récit et de la tonalité, du geste et du passage, du corps solide dans l’espace léger, devrait faire l’objet de futures explorations dans la NRF, et pas seulement avec les musiciens. Le Valéry admirateur de Degas ne s’y était pas trompé, redoublant en un sens le fameux « œil écoute » de Claudel. Il arrive aussi que l’oreille écrive. L’ « outrâme » a une adresse inconnue à cette adresse.
Sans manquer les notes de lecture, par lesquelles on peut aussi commencer, bien entendu.
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Date de disponibilité: 01/03/2018
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, puisque quelqu’un l’a fait. Cinquante ans de travail, mille pages de Vélimir Khlebnikov traduites du russe par Yvan Mignot aux Éditions Verdier, mais du russe comme Saint-Simon est du français.
1. On croit que l’on regarde un match mais ce que l’on cherche à voir, c’est la beauté.
2. Sur un terrain, rien n’est joué d’avance. Rien n’est écrit ! Ce n’est pas comme dans les livres.
Ménilmontant me donne le vertige. Serait-ce la faute de mes vingt ans et des folies que je n’ai pas commises ? J’habitais par là-bas, à deux pas du Père Lachaise, qui grise le ciel de ses branches effeuillées tout l’automne et l’hiver. Je n’y ai rien laissé, pas même des souvenirs – gris, eux aussi.
Notre planète compte 8 milliards d’êtres humains et 4 milliards de postes de télévision. Qui a inventé la télé ? On connaît le nom de l’inventeur de l’ampoule électrique (Edison), du téléphone (Graham Bell), de la radio (Tesla), du cinéma (les frères Lumière). Mais personne ne sait qui a inventé la télévision.
À la sortie de mon village de Normandie, lorsque l’on prend la route qui descend, raide, sur la vallée de l’Epte, il y a sur la gauche de grandes houles de champs cultivés. Un océan de terres brunes, blondes ou vert pâle selon les saisons, qui se déroule et s’étend aussi loin qu’une vision nette peut l’appréhender. Lorsque nous étions enfants, cette étendue était coupée de haies, de chemins creux, de pâtures. J’ai oublié ce morcellement là.
L’oblongue carcasse bleue et blanche du bus s’ébranla puis repartit lentement, me laissant face à la haute muraille matelassée de vigne vierge derrière laquelle le castel en briques brunes des Cloisters se dressait.
Je fus saisi par le boucan qui assaillait l’édifice, planté au centre d’une boucle sur laquelle les véhicules tournoyaient sans fin, amalgamant leurs vacarmes au vrombissement d’invisibles travaux et au beuglement de la route bordant l’Hudson en contrebas. La muraille et le tumulte se renvoyaient ma silhouette hébétée en un colossal écrabouillement de sonorités métalliques.
Dès que possible, je franchis la moitié de Paris pour travailler à la bibliothèque de la maison Heine, posée dans l’herbe au milieu du parc de la Cité Internationale, comme un pétale imprenable. Rien ne peut m’arriver là-bas, dans la salle des journaux presque toujours déserte, assis à ma table contre la baie vitrée. Dehors le ciel est tendu comme un drap. L’herbe des pelouses, les troncs des ormes, les graviers des chemins, on a les poumons et le sang pleins de calme, on respire à nouveau.
Sebastian Rivas est un compositeur d’origine argentine né en 1975 à Châtenay-Malabris. Paris et Buenos Aires sont ses deux pôles d’activité. Si son éclosion musicale s’est faite en France, il entretient des liens très forts à la scène musicale argentine et enseigne à Buenos Aires. C’est précisément à Buenos Aires, dans les murs du Teatro Colón, qu’on peut voir et entendre en ce moment son installation sonoreDoppelgänger, qui met en scène la correspondance entre deux figures centrales de la création musicale de la deuxième moitié du xxe siècle : Pierre Boulez et John Cage.
Par deux fois, dans le courant de l’été 1892, Edgar Degas s’est risqué à peindre une salle de billard. Non sans rencontrer quelques embûches, comme en témoigne une lettre combative envoyée du château de Ménil-Hubert – où il séjournait alors chez son ami d’enfance Paul Valpinçon – au sculpteur Albert Bartholomé : « J’ai voulu peindre et me suis appliqué à des intérieurs de billard. Je croyais que je savais un peu de perspective, je n’en savais rien et cru [sic] qu’on pouvait la remplacer par des procédés de perpendiculaires et d’horizontales, mesurer des angles dans l’espace au moyen de la bonne volonté. Je me suis acharné. »
Les lettres d’Emil Cioran que nous présentons ici aux lecteurs de la NRF ont été écrites entre 1936 et 1941 et proviennent des archives de l’actuel Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate, police secrète de l’ancien régime communiste. Elles figuraient dans une section particulière de ce Conseil intitulée « Manuscrits des écrivains présents dans les archives de la Securitate ». Traduites du roumain, adressées toutes à un ami d’étude de Cioran, de neuf ans son aîné, Petre Tutea. Elles sont tout à fait inédites.
« Je suis maintenant fermement convaincu qu’il n’y a autour de moi aucune personne capable de me comprendre », écrivait Vélimir Khlebnikov à Nadejda Nikolaieva, dans une lettre du 11 octobre 1914.
Et ses lecteurs parmi les plus assidus de lui répondre en écho :
« Incompréhensible comme les discours d’un enfant », Ossip Mandelstam — « Khlebnikov n’est pas un poète pour consommateur. Il n’est pas fait pour être lu», Vladmir Maïakovski — « Pour Pasternak, […] sa poésie relevait d’un univers complètement étranger », Roman Jakobson.
D’André du Bouchet (1924-2001), les Éditions Le Bruit du temps avaient déjà publié il y a six ans, sous le titre Aveuglante ou banale, l’ensemble des essais sur la poésie écrits durant les années 1950 – ainsi que des carnets datant de la même période. La même maison nous propose cette fois La peinture n’a jamais existé, fort volume regroupant des écrits sur l’art du poète, écrits publiés en revue de son vivant toutefois jamais repris ainsi que de nombreux inédits et travaux préparatoires constituant un vrai laboratoire de préparation aux ouvrages projetés.
Titre provocant ! La peinture n’aurait donc jamais existé ?
Il peut sembler extraordinaire qu’aujourd’hui, le grand penseur du xxe siècle, Martin Heidegger, que l’on traduit et étudie en France depuis plus d’un demi-siècle, soit l’objet d’une hostilité seulement comparable en intensité au prestige atteint par son œuvre partout dans le monde. Prestige qui doit beaucoup en France à Jean Beaufret.
Certes, on croyait tout savoir de sa « grosse bêtise », selon sa propre formule, qui l’avait fait accepter le poste de recteur de l’Université de Fribourg en 1933, dont il démissionnera le 21 avril 1934.
« Blanche devinait déjà que cette carence de mots aurait des séquelles. » Incapable de dire un mot d’au revoir à cet ancien collègue croisé à l’hôpital, elle se doute que cette ultime rencontre, « c’est comme laisser une porte ouverte, ça fait courant d’air ». Il faut dire que Daniel ne fait pas bonne impression à qui le croise – ni mauvaise, d’ailleurs, simplement un sentiment de malaise diffus et opaque que sa présence semble secréter.
Le narrateur principal, Leonard Balmain, auteur désargenté et sans perspective, accepte de rédiger anonymement l’autobiographie d’un inconnu, Torquil Tod. La besogne, d’apparence fort simple, se révèle plus ardue que prévue, voire dangereuse : car les informations que Tod fournit à son « auto-biographe », de plus en plus lacunaires et angoissantes, mêlent terreurs apocalyptiques, magie noire, sectes variées et fantasmes meurtriers indicibles.
Il n’est pas certain que Marilynne Robinson, dont on a déjà traduit cinq livres, romans-essais mêlés, soit à la place qui lui revient de plein droit dans le paysage littéraire américain que nous nous sommes fabriqués en France : à savoir la première. D’abord chez Albin Michel avec La maison de Noé puis ensuite chez Actes Sud pour quatre autres livres, la voici de retour avec cet éblouissant recueil d’études, textes publiés au fil de ces dernières années dans différentes revues, pas toujours les plus connues, loin de là.
Il n’est pas nécessaire d’être un inconditionnel de Bob Dylan pour se plonger dans le dernier livre d’Antoine Billot. Comme le précise le sous-titre, c’est de Dylan avant Dylan qu’il s’agit. D’ailleurs, le livre se referme avant même que ce gamin à la tignasse rousse frisée n’ait eu le temps de répondre à la question de Woody Guthrie qu’il était venu voir dans sa chambre d’hôpital : « Tu t’appelles comment, petit ? »
La légende voudrait que longtemps, très longtemps, l’éminent littérateur de la fratrie Singer fut non pas Isaac Bashevis Singer (Prix Nobel de littérature 1978, traduit dans autant de langues qu’il est possible d’en répertorier) mais bien son frère ainé, Israël Joshua Singer. Plus grossièrement, cela donnerait : « Le génie de la famille, en fait, c’était l’autre ! » Voilà un des poncifs les plus tenaces de l’histoire de la littérature.
Que pourrait-il y avoir de commun entre Jean-Denis Attiret, jésuite arrivé en Chine en 1738 et peintre officiel de l’empereur Qianlong, Melvil Poupaud, acteur français habitué de Rohmer et de Raoul Ruiz, et Fan Bingbing, jeune actrice chinoise aux millions de fans ? Une idée folle germée dans la tête de Charles de Meaux : faire un film, Le portrait interdit, sur la relation qui se noue entre Ulanara, concubine puis épouse de l’empereur, et le peintre-jésuite.
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