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Reference:
Le rendez-vous littéraire d'automne s'annonce cette année particulièrement riche. La NRF a choisi de croiser, comme à son habitude, l'ancien avec le nouveau : ici, un choix de lettres inédites d'Antonin Artaud avec Christine Angot, les figures oubliées de poètes ressuscitées par Linda Lê, le foot métaphysique de Grégory Schneider avec le jardin dionysiaque d'Eugène Savitzkaya. Artaud, aujourd'hui, demeure un cas d'altérité majeure dans notre paysage littéraire. Il fait figure, à sa façon, de point de repère. Un révélateur, pourrait-on dire. Mais de quoi ? Peut-être Artaud nous rappelle-t-il simplement que la matière littéraire n'est pas seulement une super machine à décrypter le réel ou à distribuer des prix aux méritants (voir, à ce sujet, notre enquête sur les prix littéraires aux États-Unis) mais que la littérature est d'abord un lieu fondamental de déstabilisation avant d'être une manière d'illustrer les paradoxes de notre monde. Qu'en est-il aujourd'hui, plus d'un demi-siècle après l'irruption du phénomène Artaud, de la question du sujet humain, de sa singularité ? On pense à celle, irréductible, de l'écrivain américain David Foster Wallace, dont nous publions un texte inédit (rions un peu avec Kafka !) en même temps que paraît son grand œuvre, L'infinie comédie. À Michel Leiris, auquel le centre Pompidou-Metz consacre une exposition, prolongeant La règle du jeu jusqu'à notre réalité contemporaine.
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Michel Crépu. Artaud et les post-modernes (Chronique)
Alors bien sûr, il y a Artaud. On allait l’oublier, on remballaitdéjà. On s’était fait à l’idée que la littérature consiste désormais en cette pâte molle, mélange de sociologie et de philosophie, typique du néoréalisme ambiant, flanqué pour la clientèle de quelques amuse-gueules.
Comme ils font tous « popote » à côté d’Artaud. Comme on aurait vite tendance à considérer que les affaires de la littérature se jouent désormais dans un gentil périmètre délimité par les rendez-vous annuels du comice agricole, le Salon du livre et ce qui reste à l’œuvre de critique littéraire. Comment a-t-on pu compter sans Artaud, toutes ces dernières années ? Quelle nullité a-t-elle pu être assez puissante qu’elle efface la trace de son passage ? Trop de mythologie, trop d’idéologie sous le couvert du contraire. Trop de paresse, trop d’indifférence, trop de soumission à des doxas pourtant sans fondements. Trop de peur, au fond. Mais de quoi ? C’est le moment de relire l’auteur du Pèse-nerfs...
Antonin Artaud. Lettres inédites
Ville-Evrard 17 mars 1939
Mon cher Blin
Merci des cigarettes que tu m’as fait envoyer hier ainsi que des 20 francs que tu as eu la charité ! de me faire passer de compte à demi avec Jean. Ça va payer mes timbres et mon papier à lettres pour quelques jours. D’ailleurs tu rencontreras Jean peu après avoir reçu cette lettre et tu pourras le remercier de ma part d’avoir « réalisé » la Prophétie. Il sera à peu près à l’angle de la Place Dauphine et du Pont Neuf sur la chaussée et tu seras sur le trottoir de gauche pour qui tourne le dos au Pont et regarde la Place Dauphine.
Au bout de peu de temps les Initiés viendront car « ils voudront voir » Grillot de Givry en tête.-
— D aladier, président du conseil sera là et la scène se reconstituera. Ce sera la Diplomatie sur la place Publique, car voilà bien longtemps que les grandes décisions de l’Histoire moderne ont cessé de sortir du secret des chancelleries.-...
Christine Angot. Conférence à New York
J’aime bien cette phrase de Duras : « Trouver quoi écrire encore. »
Entre deux livres, j’ai toujours pensé, à un moment ou à un autre : ma mère, faire un livre où on la verrait. Où on verrait ce que c’est avoir une mère. Dire ce qu’est cet amour. Et ce qu’il devient. Écrire ce que je sais, depuis que je suis à son contact, c’est-à-dire toujours. Je pense à un tel livre depuis trente ans, depuis que j’écris. Pas un livre sur ma mère. Ça ce n’était pas possible.
« Vous faites un livre sur quoi ? » On entend souvent les gens dire ça. Je ne comprends pas, un livre sur quelque chose, ou sur quelqu’un, un livre au-dessus, en surplomb, le discours sur, l’auteur au-dessus de la chose. Non. Essayer d’écrire, pour moi, c’est essayer de me souvenir que j’ai été dedans. Dans les choses. À l’intérieur des moments. Sans surplomb. En train de vivre...
David Foster Wallace. Quelques remarques sur la dimension comique de Kafka, qui auraient pu être écourtées
L’une des raisons pour lesquelles je m’exprime volontiers sur un sujet dont je suis tout sauf spécialiste, c’est que j’ai ainsi la possibilité de vous déclamer une nouvelle de Kafka que j’ai renoncé à enseigner en cours de littérature : la lire à haute voix me manque. Son titre est « Petite fable » :
« Hélas ! dit la souris, le monde devient plus étroit chaque jour. Il était si grand autrefois que j’ai pris peur, j’ai couru, j’ai couru, et j’ai été contente de voir enfin, de chaque côté, des murs surgir à l’horizon ; mais ces longs murs courent si vite à la rencontre l’un de l’autre que me voici déjà dans la dernière pièce, et j’aperçois là-bas le piège dans lequel je vais tomber.
– Tu n’as qu’à changer de direction, dit le chat en la dévorant...
Grégory Schneider. Didier Deschamps l’obscur
Trois saisons à suivre les pérégrinations de Didier Deschamps à la tête de l’équipe de France et deux images qui dépassent, ou plutôt deux visions. L’une que l’on prête à l’intéressé. L’autre qui file dans le sens de l’expansion et de l’occulte, la nuit qui gagne sur un territoire mental.
La première : début juillet 2014, au théâtre municipal de Ribeirão Preto, dans l’État de São Paulo. Deschamps fait le service médiatique. Il est épuisé. Le Mondial au Brésil est bien entamé, la sélection tricolore a un quart de finale face à l’équipe allemande devant elle et le sélectionneur a sept semaines de rassemblement derrière lui, à faire la guerre à ses hommes...
Jean-Noël Orengo. En dollars et en français (Premier épisode : Mourir comme Marlowe)
Élie rentra chez lui vers deux heures du matin, dans le froid et l’angoisse, en proie à la figure, l’esprit de Marlowe, Christopher, anglais, auteur, athée, espion, né en l’an 1564 et mort en gloire de ses pièces le 30 mai 1593, crevé, poignardé à cause d’une note d’alcool mal payée dans une taverne provinciale de bouseux. « M ourir comme Marlowe », pensait Élie. « Mourir comme Marlowe, comme Pasolini »… Ça le faisait bien rire, Élie, car pendant toute la soirée aux champagne et vacarme, quelqu’un n’avait pas cessé de lui vanter la période élisabéthaine, le XVIe siècle, la vie réelle, « Real life, do you understand ? », et tout le bousin crétin des jouasses de la « street ideology »...
Linda Lê. La vie par effraction (Rodanski, Prevel, Giauque)
Il est des auteurs pour lesquels il s’avère avant tout vital de rappeler qu’ils portent le deuil d’eux-mêmes. Ces anges déchus, ces outlaws, n’oublient pas, comme dirait Jacques Rigaut, que tout est surfait, l’amour, la littérature, la mort même, dont la hantise fait d’eux ce qu’ils sont. Ils n’oublient pas non plus, s’ils écrivent des poèmes, qu’on n’en fait qu’en se défaisant et que le livre ultime dans lequel ils placent tous leurs espoirs ne peut être que le livre des blessures où ils évoquent les solitudes et les crucifixions, les tentatives d’évasion et les défaites à seule fin de remuer le fer dans la plaie, ne pas redouter ce que la déraison leur apporte, répondre du délit d’errance en se reconnaissant coupables d’avoir de tout temps voulu faire cavaliers seuls, transporter une cargaison de mots à vif, ces cris qui retentissent dans la nuit et transforment leurs écrits en confessions rageuses ou anathèmes d’écorchés...
Une rencontre avec Eugène Savitzkaya. Propos recueillis par Michel Crépu
Michel Crépu– Votre nom d’abord, un concentré d’Europe centrale…
Eugène Savitzkaya – Oui, ma mère était polonaise, mon père russe. Des ennemis de toujours… Mais mes parents s’entendaient bien, ils faisaient des concours de cuisine, des joutes, c’était drôle. J’ai quitté la maison vers l’âge de dix-sept ans.
M. C. – Votre carrière d’écrivain commence au début des années 1970.
E. S. – Oui, j’ai gagné un prix littéraire à Liège, à la suite d’un concours qui me permit d’entrer en contact avec la revue Minuit que dirigeait alors Tony Duvert et où je fis également la connaissance de Mathieu Lindon, de Denis Jampen… Mais cette période fut surtout marquée pour moi par la rencontre de Jacques Izoard, poète, et qui fut un véritable initiateur. Il me fit lire une quantité d’auteurs, découvrir des écrivains comme Pierre Guyotat dont je lus alors le Tombeau pour 500 000 soldats, de la poésie…
Eugène Savitzkaya. Fragments pour un Pinocchio dionysiaque (entretien)
Je dirai aux hommes et aux femmes qu’il faut se libérer de toutes les lois et les règles qui empêchent les progrès de la pensée, qui entravent l’intelligence aussi sûrement qu’un corps qui devrait à longueur de journée supporter le poids de cinq sacs de ciment de quarante kilos sur la tête et la présence de cailloux tranchants dans les chaussures. Chaque être humain ne respectera qu’un seul principe : ne pas infliger à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’autrui vous inflige ou, mieux, donner à l’autre ce qu’on voudrait qu’il vous donne. Chacun développera son potentiel d’autonomie, puisant dans sa propre énergie.
Magali Lesauvage. Michel Leiris, dans le miroir
De ce qu’en disent les photographies, Michel Leiris était un homme beau. Une stature vacillante et une élégance désuète à la Humphrey Bogart. Un visage, maquillé parfois de poudre blanche, s’évasant par le haut de golfes capillaires qu’il avait fait surmonter, dans sa vingtaine, d’une raie tondue jusqu’à la nuque par son ami Juan Gris, et qui lui séparait le crâne en deux hémisphères égaux comme pour rappeler l’ambivalence de sa personnalité et former la « figure géométrique » qu’il aurait voulu être. Un front immense « aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes », décrit-il, strié sur le tard de rides larges et ourlées comme des lignes d’écriture, cernant un regard d’une intensité désarmante. L’un des regards les plus clairvoyants du XXesiècle, qui aura vu, de sa naissance en 1901 à sa mort en 1990, naître et mourir l’art moderne.
Alexandre Mare. Physique de la poésie. Le muséum Emmanuel-Liais de Cherbourg
Les oiseaux laissent derrière eux un peu de poussière de cyanure, c’est la raison pour laquelle on ne les déplace plus. Il y a d’ailleurs longtemps que l’on ne déplace plus grand-chose ici. La maison du président du bureau des longitudes du Brésil, entourée de son parc, de ses serres, est une belle demeure bourgeoise habitée par d’étranges résidents. Une momie, une baleine, des étagères encombrées de demoiselles, des crapauds-buffles dans des bocaux de formol, des papillons par centaines, des cailloux par milliers, des pagaies venues du froid, des têtes et des fétiches grimaçant à la vie, à la mort. Tous figés dans une histoire qui semble déjà bien ancienne. Une histoire du monde, ou du moins un aperçu de sa diversité telle qu’on l’imagine en octobre 1910, date à laquelle fut, avec force notables et savants amateurs ou véritables, inauguré le muséum Emmanuel-Liais de Cherbourg.
Ioanna Kohler. Un aperçu des prix littéraires aux États-Unis
En 1930, la littérature américaine acquiert – sur le plan institutionnel, du moins – une légitimité inconnue jusqu’alors. Grâce au prix Nobel décerné au romancier Sinclair Lewis, elle rejoint le cénacle des « grandes » littératures nationales, tandis que l’Amérique consolide, par ailleurs, son statut de puissance économique et politique mondiale.
Il y a une ombre au tableau, pourtant. Sinclair Lewis, l’auteur d’Elmer Gantry – un roman qui tourne en dérision l’Amérique évangéliste –, n’est pas l’ambassadeur dont les États-Unis rêvaient pour les représenter à Stockholm.
Dans le discours qu’il prononce devant l’assemblée suédoise, « The American Fear of Literature », Lewis se livre à un réquisitoire féroce contre les canons esthétiques qui, depuis la disparition de Walt Whitman et de Mark Twain, sclérosent, selon lui, la littérature de son pays.
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