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Reference:
Ce numéro de la NRF novembre 2015 paraît au terme d’une rentrée littéraire foisonnante de formes diverses et qui a démontré à quel point ce qu’on appelle « la littérature française » est en pleine recomposition, très loin du cliché sociologique, toujours au contraire obsédée par le sujet, sa singularité, son mystère. Emblématiques de cette obsession, les textes ici de Bruce Bégout évoquant la mémoire d’un ancien condisciple, ou de Thomas B. Reverdy relisant le romancier Zamiatine, aussi bien que Gabriel Matzneff donnant un portrait de l’abbé Galiani, figure du XVIIIesiècle épistolier.
Portrait ? Récit ? Vie ? Mémoire ? Roman ? Florence Seyvos et Nathalie Kuperman nous donnent leur réponse personnelle. Tout se passe en effet aujourd’hui comme si l’autorité symbolique du roman demeurait sacrée, alors même que les travaux, les œuvres en cours en ignorent superbement les lois, les contraintes. Tout le monde désire « le roman », personne ne veut s’y conformer. La romancière Donna Tartt, l’auteur récent du Chardonneret (Plon), revient dans notre entretien exclusif sur cette puissance de la forme romanesque, héritage européen qui n’a cessé d’irriguer de multiples façons la matière littéraire américaine, tandis que Philippe Lançon se fait promeneur et commentateur du dernier volume paru de la Correspondance générale de Chateaubriand.
Plus près de nous, l’œuvre de Louis Aragon continue d’incarner une aventure symbolique du XXesiècle littéraire. Philippe Forest lui consacre une biographie. Ni hagiographique ni justicière, elle interroge un lieu particulier de la bibliothèque, ce qu’elle met en mouvement et qui nous intéresse pour notre présent. Présent chargé d’histoire, comme en témoignent encore ici les pages inédites d’un ouvrage à paraître de Paul Greveillac, Les âmes rouges. Le roman et l’histoire, l’un se faisant l’interprète de l’autre. Elles font un singulier écho au portrait monumental du grand historien de l’art Aby Warburg que dresse Ernst Gombrich, dans une biographie qui vient de paraître chez Klincksieck. Diane Lisarelli introduit à la lecture d’un ouvrage d’exceptionnelle tenue et dont les préoccupations concernent intimement l’histoire du XXesiècle. Ce n’est pas Witold Gombrowicz, dont Adrien Le Bihan donne ici le portrait (à la veille de la parution de carnets inédits de l’auteur de Ferdydurke), qui eût dit le contraire.
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Michel Crépu. Mémoire pour un roman futur
L’histoire du roman au XXe siècle, ce n’est rien d’autre que l’histoire du roman face à l’histoire, aux événements. Elle n’est pas facile à écrire. Du XIXe au XXe, il y a bien eu passage de témoin, mais tout a été si vite que personne n’a rien vu. Tolstoï n’a-t-il pas écrit une « Histoire de la journée d’hier », alors même que le Mr Bloom de Joyce était déjà dans l’escalier ? Il y avait un monde, il n’y en a plus. Il y avait du « roman national », il n’y a plus que bribe, fragment, délire. Mr Bloom échappe à la conscription de 14-18, Hans Castorp, héros de La montagne magique de Thomas Mann, y disparaît. Passages, transitions, recompositions, avant-gardes, manifestes, etc. Un siècle plus tard, les hasards de la rentrée littéraire 2015 auront mis en présence deux monstres sacrés, Aragon et Chateaubriand. Deux écrivains pour qui l’histoire aura été la matière même.
Philippe Lançon. Chateaubriand, l’heure du mort vivant
Simon Leys n’aimait pas Chateaubriand. Il le trouvait vaniteux et grandiloquent, en résumé le contraire de lui-même tel qu’il s’était construit. C’est une information regrettable pour le goût de Simon Leys, mais elle n’est pas étonnante : son obsession joviale, anglophile et appuyée pour le naturel, la litote et le « bon sens » de l’homme ordinaire le rendait naturellement insensible à l’un des maîtres en orgueil et en spectacle de la langue française. Il ne pouvait lire ni le passé, ni l’avenir, ni sa propre vie, ni rien, dans les reflets des plumes du paon. Il n’y avait pourtant pas si loin de l’un à l’autre dans la statue de lucide éloigné.
Gabriel Matzneff. Mon défunt ami l’abbé Galiani
Pour Helmut Watzlawick
Oui, j’en ai conscience, Dialogues sur le commerce des blés n’est pas un titre qui aguiche, retienne l’attention, donne envie au lecteur de découvrir un auteur oublié, infuse à l’éditeur celle de le rééditer. Pourtant, quand je vous aurai dit que l’auteur en question, Ferdinando Galiani, né en 1728, mort en 1787, est depuis l’adolescence un de mes écrivains de chevet ; que lorsqu’il lut les Dialogues, Voltaire, enthousiasmé, écrivit à Diderot : « Il me semble que Platon et Molière se soient réunis pour composer cet ouvrage », et à d’Argental : « J’ai lu le livre de Galiani. Ô le plaisant homme ! ô le diable de corps ! On n’a jamais eu plus gaiement raison » ; que les Lettres de Galiani constituent, avec celles de Mme du Deffand et celles de Voltaire, l’un des chefs-d’œuvre épistolaires de la littérature française du XVIIIe siècle ; que cet abbé qui reçut les ordres mineurs à l’âge de dix-sept ans fut sa vie durant un endiablé libertin ; que le Napolitain Ferdinando Galiani écrit un français aussi savoureux, vif, roboratif que celui du Vénitien Giacomo Casanova ; que la gloire méritée de celui-ci met par contraste en lumière l’injuste désamour où stagne celui-là ; vous conviendrez que cet état des choses ne peut durer ; qu’il est temps d’y porter remède.
Thomas B. Reverdy. Nous autres. En lisant Zamiatine
Jean-Pierre Dupuy rapporte dans un de ses livres (La marque du sacré, 2009) les propos d’un confrère, universitaire américain. Celui-ci introduisait son cours de sociologie par l’anecdote suivante (je cite en substance et de mémoire) : le diable se présente un matin dans le bureau présidentiel du chef d’État d’une nation développée, dans le but de lui proposer, selon son habitude, un marché – une tentation. Comme l’histoire prend place à une époque moderne et circonspecte, il ne lui promet pas directement des montagnes d’or mais parle d’une nouveauté miraculeuse qui prodiguerait à sa nation, à lui et à son peuple des réserves de progrès et de croissance infinies, une source de travail garantissant le plein-emploi, ainsi que la suprématie industrielle, commerciale et bien sûr militaire. Puis il sourit finement – le diable sourit toujours. Il y a évidemment une contrepartie : on devra lui livrer chaque année en pâture vingt mille jeunes gens, hommes et femmes dans la force de l’âge.
Florence Seyvos. Dans la classe
En sortant nos trousses de nos cartables, en ouvrant nos cahiers, nous sentons que quelque chose peut se produire cet après-midi. Nous reconnaissons cette atmosphère moite, cette électricité mauvaise. Nous reconnaissons aussi le silence de notre maître.
Bernard Quiriny. Roman d’une préface
François Gillibert était spécialiste de l’œuvre de Maurice de Saint-Guérin (1896-1960), écrivain tout à fait oublié de nos jours. Les livres de Saint-Guérin étaient introuvables ; il n’avait aucune descendance littéraire (ou biologique), nul jeune auteur ne se réclamait de lui, personne ne citait jamais son nom. Seul François se passionnait pour lui ; il soutint en 1989 une thèse intitulée Figures familiales dans l’œuvre de Maurice de Saint-Guérin, qui le fit recruter à l’université.
Par coïncidence, Saint-Guérin revint alors un peu dans l’actualité.
Nathalie Kuperman. 180°
Lui, il s’en fichait complètement de rater le train. Ils prendraient le suivant, des trains pour Marseille, il y en avait toutes les heures. Un train en vaut un autre, s’était-il mis à fredonner en improvisant une chanson qui, loin de la calmer, lui portait sur les nerfs. Les billets étaient réservés depuis un mois, 14 h 34 était l’heure à laquelle ils embarqueraient, et 14 h 34 résonnait depuis trop longtemps dans la tête de Sonia pour qu’il puisse être question de changer, ne serait-ce que d’une seconde, le moment où les portes du TGV claqueraient automatiquement, ne lui laissant plus d’autre choix que de se laisser aller contre l’appui-tête, le cœur battant à l’idée d’avoir oublié un bagage sur le quai. Toujours, quand les portes se refermaient, Sonia craignait d’avoir laissé quelque chose qu’elle aurait dû prendre avec elle.
Bruce Bégout. Un sinistre pressentiment
J’étais en train de vérifier les paramètres d’enregistrement du dictaphone lorsque le professeur B évoqua le souvenir de Joachim. Il parla, je m’en souviens très précisément, de son « rationalisme morbide » et de sa « propension délirante à vouloir tout expliquer ». J’avais connu Joachim à l’École normale supérieure au début des années 1990. J’étais de trois ans son aîné, mais il venait comme moi de Bordeaux et le professeur B., qui l’avait connu à l’université, m’avait demandé de le prendre sous mon aile lors de son installation à l’École. Quand je le rencontrai pour la première fois dans la cour aux ernests, je fus tout d’abord frappé par son apparence physique.
Donna Tartt. Entretien inédit
La romancière Donna Tartt, l’auteur récent du Chardonneret (Plon), revient dans notre entretien exclusif sur cette puissance de la forme romanesque, héritage européen qui n’a cessé d’irriguer de multiples façons la matière littéraire américaine.
La NRF – Avez-vous un souvenir de vos premières lectures d’enfance, des premières révélations de la beauté dans un livre ? Comment tout cela a-t-il commencé ?
Donna Tartt – Je ne me souviens pas d’une époque où je n’aurais pas été capable de lire. Ma mère dit qu’elle s’est aperçue pour la première fois que j’arrivais à lire les étiquettes des boîtes de conserve et des paquets avant mes trois ans, et je me rappelle qu’on m’appelait, comme une sorte de petit singe savant, pour lire des extraits de journaux ou de magazines choisis au hasard par des adultes sceptiques et imbibés de cocktails, que je lisais consciencieusement, à haute voix, sans en comprendre un traître mot… Des articles sans intérêt sur les élections locales, ce genre de choses.
Diane Lisarelli. Aby Warburg par Ernst Gombrich, un beau souvenir
Quarante-cinq ans après sa première parution en Grande-Bretagne, la Biographie intellectuelle d’Aby Warburg par Ernst Gombrich est enfin traduite en français. L’occasion de se pencher sur la genèse et la postérité de cet ouvrage de référence, document polyphonique où s’entremêlent les voix de Gombrich, auteur de best-sellers à la renommée internationale, et de son sujet, figure légendaire « hautement estimée mais rarement lue ».
Adrien Le Bihan. Chronique d’un génie : Witold Gombrowicz
Kronos a récemment fait surface en Pologne. Memento secret, pour une bonne part rédigé après coup puisqu’il va de 1922 à 1969, Gombrowicz l’avait commencé peu avant qu’en 1953 la revue Kultura de Maisons-Laffitte ne se mette à publier son célèbre Journal.
Paul Greveillac. Les âmes rouges
Prologue
I
Au bruit alourdi de la rame, pachyderme glissant sur ses rails, il devina le wagon bondé de l’heure de pointe. Le métro moscovite n’avait pas vingt ans. Il était à peine plus vieux que lui. Mais il lui paraissait déjà étroit, engorgé, et ça n’étaient pas les efforts de propagande quant à sa suprématie, son avant-gardisme par rapport à tous les métros bourgeois des capitalistes qui pourraient le faire changer d’avis.
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