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Tout le monde veut être révolutionnaire. Tout le monde veut « casser la baraque. » Il n’y a pas un candidat à la présidentielle qui ne jure ses grands dieux qu’il tient absolument à être révolutionnaire et tout briser autour de lui. D’ailleurs, ils viennent tous d’écrire un livre où fulgure à chaque page le mot « révolution » dans une apocalypse de guerre au fonctionnaire. On dirait que ces petits notables regrettent d’avoir raté le train castriste qui vient d’échouer en gare de La Havane après soixante ans de mensonge au compteur. L’inflation de ce mot traînant derrière lui des millions de morts sonne comme un étrange symptôme. Mais de quoi le mot « révolution » est-il le nom ? Jean-Claude Milner, linguiste et philosophe ancien maoïste vient d’écrire un livre remarquable qui constate le décès d’un tel concept. Il en voit la fin le jour maudit des attentats du 11 septembre. Pour la première fois, l’ennemi venait d’ailleurs. Sa galaxie n’était pas la galaxie révolutionnaire héritée du modèle 1789. Daech se moque bien de la révolution. Il veut seulement assouvir son besoin frénétique de Loi en répandant la mort autant que possible. C’est pourquoi, du reste, il diffère du modèle totalitaire à la soviétique. Les nazis, les communistes se voulaient d’avant-garde, ils avaient un projet pour l’être humain, à condition qu’il fût aryen ou bon membre du Parti. Daech ne se voit pas d’avant-garde, il n’a aucun projet particulier pour l’être humain. Aussi effroyable que cela semble, les nazis et les communistes visaient un progrès. Mot qui n’a aucun sens du point de vue daechien.
François Fillon a écrit un live sur le totalitarisme islamique que nous n’avons pas lu mais que nous allons lire de près. D’où vient ce besoin forcené d’écrire des livres, chez les politiques ? François Hollande laisse les autres les écrire à sa place. Il est d’une tolérance infinie pour la liberté d’expression. Ah bon, j’ai dit ça ? Vous êtes sûr ? Bah. J’ai dit de machin, mon meilleur ami, qu’il était un con ? Et cela à cent mille exemplaires ? Peut-être. C’est possible. Bah. Désolé, Bartolone. Dans la vie politique, on prend des coups et il vaut mieux en donner qu’en recevoir. C’est ce qui distingue le roué du sot. Un jour, Gide a dit à Malraux : « c’est curieux, il n’y a pas d’imbécile dans vos romans. » Gide avait assez raison. L’absence d’imbécile chez Malraux fait qu’au bout d’un moment, on a un peu mal à la tête. On aspire à cinq minutes de repos bovin avant de repartir à l’attaque. Cher vieux Malraux dont on nous dit qu’il s’efface lentement à l’horizon. Mettez un plumitif de primaire à côté d’une page de Malraux : il se dissout immédiatement en un infâme gargouillis qui sent l’huile de com’. Malraux écrivait, réécrivait sans cesse. Il brassait autour de lui le monde entier du Musée imaginaire, la possibilité inédite d’être le contemporain de Sumer et Picasso. Il admirait le général De Gaulle qui ressemblait selon lui à un autoportrait de Poussin. Bref, c’était la classe. On a le droit de le dire et même de le hurler, tellement ça fait du bien.
Au demeurant, un imbécile est-ce la même chose qu’un idiot ? Le prince Mychkine de Dostoïevski est l’ « idiot » même, comme un Christ. Il nous semble que c’est tout de même autre chose que l’imbécile au sens de Bernanos. Bernanos s’en fait une idée qu’il faut manier avec précaution. Bernanos, écrivain génial, voit dans l’imbécile une espèce de démocrate chrétien bécasson, qui ne vaut pas les braves garçons bouchers des Halles, antisémites et joyeux. Eh oui, quand on lit La grande peur des bien-pensants, on se rend compte qu’il n’est pas simple de mépriser les imbéciles. Mais qu’importe. L’heure est à casser la baraque. Éloignez les enfants. Comme le dit une brave dame à la sortie du meeting : « bientôt, il suffira d’appuyer sur un bouton ». Un coup, 100 000 fonctionnaires ; deux, deux cent mille et ainsi de suite. Ainsi fabrique-t-on le paradis. On veut bien croire que l’équipage qui sera en charge des affaires a prévu un sas de décompression en cas de sortie de route. Cette façon de droite d’être révolutionnaire, avec l’ardeur du converti, est une joie pour l’esprit. À force d’avoir été un « réac », le muscle casseur de baraque est rouillé. À vrai dire, il n’ a jamais servi. Même avec trente ans de retard sur Maggie Thatcher, c’est encore jouable. Tout le monde n’est pas de cet avis. Mme Catherine Nay, agacée que l’on compare son héros sarthois avec la mère Mac Mich des années 80, a dit qu’en réalité, François Fillon devait être un Schröder de la politique. Allons bon. Voilà maintenant que le néo-soixant-huitardisme de droite se mêle au souvenir de la grande rigueur schröderienne. C’est un peu comme si l’on installait un fauteuil Biedermeier dans une cuisine sixties. Et si on entrait dans le XXIe siècle ? Oh sans blague !
Michel Crépu