Soir d’hiver

Soir d’hiver
| Publié le : 09/12/2021

La fin de l’année s’approche, dans un climat de drôle de guerre. On croyait pouvoir se donne la fraîcheur intime d’un prochain Noël et voilà qu’il faut à nouveau astiquer les seringues. C’est le moment de ressortir un vieux NRF, cru 1977 entretenu au fil des mois, des ans, par celui qui en fut le promeneur mystérieux, Marcel Arland, plus que n’importe quel autre. Arland qui allait marcher la nuit sur de vieux sentiers, un volume de Katherine Mansfield à la main – il n’y avait que lui pour pénétrer ces soirs de décembre, longer la Loire immobile, sourdement noire, seulement piquée de cris d’oiseaux minuscules. Le voici, le sombre Marcel, il parle à Kathleen, à sa Nouvelle-Zélande des antipodes : « Où irons-nous , Katherine, Kathleen ? Voulez-vous descendre le Loiret, entre les moulins et les saules, passer sous les ponts, et voici la Loire, le beau fleuve qui est union comme l’écriture, lui qui, de par-delà l’Auvergne, contourne la grande province, longe des villes et des villages, des clochers et des châteaux…

Orléans, Beaugency,

Notre-Dame de Cléry,

Vendôme, Vendôme…

Le cher Marcel se tâte, poussera-il jusque vers la Bretagne, puisque rien ne s’y oppose, le numéro de La NRF est prêt partir sur les routes silencieuses de la lecture ? Mais non, répond le lecteur de la rue Gallimard, « mieux vaut ce dernier soir remonter d’Olivet à Sully, traverser le pont, suivre la route qui rejoint Saint-Benoît et Max Jacob, et grimper à gauche sur cette butte »… Cela n’empêchera pas La NRF de se laisser conduire où le veulent les lutins guetteurs qui savent où sont les chapitres secrets.

La Loire retient son promeneur, elle a des choses à lui dire qu’elle seule peut faire entendre...  « Au loin, sur la rive d’Orléans, c’est une eau presque sombre, vieux miroir au tain usé, avec des taches de mercure ; mais dans l’évasement du fleuve vers la rive opposée, ce remous lumineux, cet or qui tremble, qui va s’éteindre, qui se renouvelle et dure, ce moutonnement léger mais où s’accrochent toutes les lueurs du soir, ou d’un autre monde : l’avez-vous reconnu ? C’est un peu de vous, qui l’avez si longtemps porté.

De loin, de près, toute est silencieux et calme. Il semble que la longue amertume des morts se soit apaisée. »

Michel Crépu

 
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