Présomption

Présomption
| Publié le : 01/07/2021

Que l’on veuille bien se souvenir, il y a huit jours, à la veille du match contre la Suisse. Le ton de mépris, l’arrogance des commentateurs à la Jacques Vendroux. S’il vous plaît, disait-on alors, parlons des choses sérieuses et oublions ces petits misérables de joueurs suisses dont on se demande encore ce qu’ils ont dû faire pour en arriver là.

Et puis l’ouragan a passé, nous avons vu l’attaquant Haris Seferović détaler aux quatre coins du stade, et puis marquer, marquer jusqu’à ce que mort s’ensuive, ce qui arriva, en moins de trois minutes. L’effondrement d’une légende qui fait penser, rétrospectivement, à ces jeunes animaux qui ne tiennent pas très bien sur leurs pattes. « Anéantis », titra L’Équipe et le mot s’impose tant est puissant le vertige de la déconfiture.

Les rois du boulevard, ces fameux « bleus » devant qui s’ouvraient les portes comme à l’entrée d’un château de prince italien à la Donatello, réduits en cendre, comme des petits prétentieux. Car la faute est là, uniquement là, dans cet affichage de prétention qui pourrait servir d’exemple à un chapitre inédit des maximes de La Rochefoucauld. La prudence élémentaire n’a pas été au rendez-vous, elle n’était pas prévue au programme. Nous allions gober ces petits Suisses sans même nous en rendre compte, rendez-vous au bar de l’hôtel, ensuite et plaisanter à la vue de cette équipe qui ôtait son chapeau en croisant Mbappé dans le couloir.

Résultat : les petits Suisses, emmenés par un esprit de furia, apparurent comme les Attila de la soirée. Les bleus sabrés, reconduits au néant. Cela était il concevable sur le papier ? Bien sûr que c’était prévisible. Le charmant Vendroux avait pu s’étonner en passant sur les curieuses équations tactiques de Didier Deschamps. Mais n’était-il pas entendu que Didier Deschamps était un sorcier, cet homme qui pouvait, à trois minutes de la fin, tirer de sa poche une potion magique et emmener les Français au ciel ? Il faisait chaud, ce soir-là, on eût bien raccourci les temps prévus de rattrapage avant le coup de sifflet. Le sifflet a fini par retentir, et c’était le couperet de la guillotine. La seule chose qui étonne, la plus élémentaire, est que personne n’a songé à tirer la petite sonnette d’alarme. Il y avait trop de bruit pour entendre et maintenant il est trop tard. Le temps de la pénitence est une autre horloge. De la présomption comme illusion d’optique.

Michel Crépu

 
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