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Après la Tanzanie du Nobel, le Sénégal d’un jeune auteur de 31 ans, vivant aujourd’hui à Compiègne, dont les liens avec le Sénégal sont peut-être ténus. Mohamed Mbougar Sarr racontera peut-être un jour comment il est arrivé là. Et ce sera son meilleur livre. Sa bibliothèque personnelle nous le dit clairement, son GPS littéraire est très clair sur ce point : Bolaño, Gombrowicz, Borges etc., sont des noms qui rappellent le plus fort d’une Europe des lettres, celle qui nous vient, par intermédiaires, de la Mitteleuropa que Robert Musil nous a appris à aimer.
Nous assistons, avec ce Goncourt, à l’apparition d’un lien qui n’était pas visible et n’avait pas eu son Michelin. Il l’a désormais, mais tout n’est pas joué pour autant. C’est bien d’inviter Cervantès à l’ombre de la case, c’est malin comme tout de combiner l’assimilation de l’héritage européen avec l’héritage panfricain. Cette Afrique que Paul Claudel se plaisait à voir comme un carreau de feu en plein milieu du ventre du monde. Mais il va falloir maintenant se défaire de son nouvel habit, se fier seulement, non à une thèse sur la Mittel-Africa, mais à la solitude d’une voix, celle qui donne son titre au livre du lauréat : La plus secrète mémoire des hommes*.
M. Sarr marche le long d’une crête qui pourra donner au lecteur des envies de Jules Renard, pour changer un peu. Laisser un moment les sortilèges du lyrisme à grandes pompes pour le mince soufflet de l’ironie, trésor pour la liberté de l’esprit. Et puis M. Sarr a bien clairement senti que la littérature était un redoutable poison pour quiconque se pique d’atteindre au beau et au Vrai par les saints breuvages rimbaldiens. Qui est donc ce T.C. Eliman, fantôme à la conquête duquel se lance le narrateur ? Est-il un saint ou un imposteur ? Un brocanteur ou un ferrailleur de génie ?
Les deux, bien sûr. Car c’est l’ironie profonde de la littérature de nous jouer le grand air du IIIe acte, trempé d’une mince couche de mensonge. Il s’en trouve pour décider d’y croire quand même, d’autres pour choisir de s’en aller « à l’anglaise ». Le « héros » de M. Sarr est à la croisée. Trop fin, déjà, pour se plaire au « numéro », il a déjà trop lu de bons auteurs. Vite, une daube pour Mohamed Mbougar Sarr, c’est un bon !
Michel Crépu
* Éditions Philippe Rey et Jimsaan