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On ne sait pas ce qu'il y a de plus exaspérant, dans la querelle du grec et du latin à l'école, entre ceux qui crient à la décadence ou ceux qui en tiennent pour l'adieu à Cicéron. Ceux qui crient à la décadence ne savent pas pourquoi ils crient si fort. Ou plutôt si, ils le savent très bien. La vraie question serait de savoir combien de temps réel ils passent à relire Tacite ou Aristote. Quel est leur degré de familiarité réelle avec la bibliothèque ? Au surplus, en dehors d'un souci de caste (que leurs enfants soient dans la bonne école), ont-ils une conception de la culture littéraire ? On aimerait parfois en être sûr, tant la criaillerie paraît codée, sans grande ambition culturelle autre que stérilement conservatrice au pire sens de ce terme (il y en a un bon, mais il est difficile à trouver en France).
Quant aux autres, les militants du sabir pédagogique, qui n'ont pas ouvert un vrai livre depuis des lustres, lui préférant d'obscurs documents pour lesquels il n'existe aucun traducteur digne de ce nom, on demeure stupéfait de les entendre débiter un tel charabia. Ce charabia démontre au moins une chose, à l'identique de leurs opposants, c'est qu'ils n'ont plus aucune pratique réelle de la bibliothèque. Si tel était le cas, nous n'aurions pas droit à ces horreurs théoriques dont on se demande parfois si elles ne sont pas le fruit de cerveaux dérangés. On ne se demanderait même pas s'il faut garder ou non les latins ou les grecs. Question ridicule posée par des nains devant des géants. Du temps (il y a en gros un siècle) de l'école républicaine, la vraie, réciter Ciceron dans le texte appartenait au petit training du matin. Cela se sent sous les phrases, l'esprit d'une construction syntaxique qui ne cherche rien d'autre qu'une simple clarté. C'est à cela que sert, parmi d'autres plaisirs, la lecture de Cicéron ou d'Aristote, à clarifier un discours, à lui donner une efficacité rhétorique capable de l'emporter dans une joute.
Pourquoi donc les merveilleuses écoles de commerce dont on nous vante sans cesse les liens avec le marché de l'entreprise ne pratiquent-elles pas pour leurs élèves un art de la joute oratoire ? Il donnerait des armes pour plus tard, dans le cadre d'une négociation mettant aux prises des acteurs d'égale puissance. Qui ne sait que dans ces cas-là, la différence se joue dans l'art oratoire, la capacité à emporter le morceau, à faire la différence ? Mais pour arriver à ce stade d'efficacité langagière, il faut être d'abord un familier. Un butineur d'idées, un promeneur de la pensée qui, tel Horace ou Tibulle, hume ça et là les parfums dont il fera son miel le moment venu. Pas d'efficacité sans une bonne formation épicurienne. Qui sait si cela ne pourrait pas convaincre l'un de ces sorciers de l'Éducation Nationale d'y aller voir de plus près ? Un simple vers d'Horace, bien senti, serait de nature à retourner la situation. Ces auteurs « anciens » qu'on regarde avec commisération en se demandant s'il ne vaudrait pas mieux les débrancher sont de la dynamite. À bon entendeur.
Michel Crépu
francis moury |22 août 2015
Alexander, cum Clitum interfecisset, magnitudinem facinoris perspexit. Clitum désignant, dans un tel contexte, l'enseignement du grec et du latin. Solution de continuité entre la culture indo-européenne et la culture gréco-romaine : les religions, la science, la philosophie, l'art, les lettres. Solutions de continuité qui ne sont, de toute manière, pleinement accessibles qu'à une élite restreinte, constituée par ses efforts et son ascèse, par sa propre « virtu ».
francis moury |20 août 2015
D'une manière générale, les Grecs étant plus éloignés de nous, nous sont donc un peu plus obscurs ; les Latins étant plus proches de nous, nous sont davantage accessibles. Règle générale qui comporte les habituelles exceptions : Tacite n'est pas toujours évident à saisir bien qu'il soit latin tandis que n'importe quel paysan français contemporain et que n'importe quel ouvrier français contemporain pourraient rire en assistant à une comédie d'Aristophane bien que ce dernier fût grec. Cela dit, ce ne sont pas les lettres latines mais les lettres grecques qui constituent les racines et le socle de la langue latine puis française, sans oublier quelques apports indo-européens et orientaux (proche, moyen et extrême), antérieurs au grec et au latin. PS Comment adresser par courriel un article à la NRF, donc comment vous l'adresser ? Ou bien faut-il, comme au dix-neuvième et au vingtième siècles, vous faire parvenir une feuille de papier par courrier dans une enveloppe timbrée ?
Alex Caire |4 juin 2015
À part le danger de l'inculture générale (régnante), le latin est indiscutablement le socle de tout apprentissage du (bon) français (ne dirions-nous pas « langues latines » ?). J'ai eu toutes les peines du monde à venir à bout de mes études de latin ; mais ce dernier m'aide encore (après 4 décennies) à apprécier l'usage du portugais bien que je ne le pratique pas ; voire mesurer l'authenticité de cette langue si proche de la source! L'éliminer revient à que le français se coupe de la sienne !
Paul-Jean |7 juin 2015
Mea culpa. Je me sens concerné, inclu en partie dans « ceux qui crient à la décadence »… Quelle acuité dans votre propos ! Alors, je lutte pour ne pas demeurer un conservateur exigu. Je me soigne en vous lisant. Merci.