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Le ciel est noir, une musique de douche tombe des nuages. On va se promener en badauds au bord de la Seine, c’est la Volga de printemps. Notre première pensée va aux bouquinistes, abritant leurs caissons d’une bâche verte, comme on défend une cité cernée par les eaux. La dernière fois, c’était en 1910. On allait dîner chez Francis en traversant des passerelles de bois. La Grande Guerre de 14-18 n’avait même pas encore eu lieu. C’était le paradis. Aujourd’hui que la Grande Guerre a eu lieu, seule la moustache du zouave du pont de l’Alma sert d’indicateur dramaturgique : quand sa moustache sera atteinte, alors nous sonnerons le tocsin. Nous en sommes pour l’heure aux brodequins du niveau 4. La moustache est cataloguée niveau 8. Il y a encore de la marge.
Ce qui étonne encore, comme cet hiver on s’ébahissait du soin mis par la Providence à ordonner les grands défunts, de Delpech à Boulez, c’est le caractère emblématique de ce Déluge parisien. En même temps que la France politique et syndicale se plaît à rejouer sans fin la Révolution, le principe d’égalité sans lequel la France ne pourrait être la France s’enfonce dans les eaux profondes. Qu’y faire ? La France ne connait plus de drame, elle ne connaît que des surenchères. Dans son admirable livre sur la Hollande au siècle d’or, L’embarras de richesses (Gallimard), Simon Schama rappelle ces échouages de baleines sur le rivage de Frise qui étaient vus par la population comme des épisodes supplémentaires de l’Écriture. Quand la baleine est là, la Bible n’est pas loin. Notre actuel Déluge (on met une majuscule exprès) pourrait finir par donner lieu à une symbolisation de cet ordre. Mais laquelle ? Il y a loin de la moustache du zouave à celle du roi des cégétistes, M. Philippe Martinez. On dirait un mongol au salon de Voltaire.
Allez voir la Volga de printemps et dites aux bouquinistes qu’Olivier Maulin vient de publier chez Denoël un roman d’une immense drôlerie : La fête est finie. Imaginez Gabin et Ventura en cavale, le road movie des parias du chômage. Un livre qui fait rire devait être immédiatement passible de l’Ordre du Pélican d’Or, qui est remis tous les quatre ans par le capitaine Tromblon place de l’Étoile Céleste. Maulin n’a pas été décoré de l’Ordre du Pélican d’Or (défaut de piston) mais il a obtenu en revanche le prix Ouest France-Étonnants voyageurs en 2004. Son livre s’appelait : En attendant le roi du monde. Il y a deux héros dans son dernier : Victor et Picot ; Victor est surnommé « Totor », il écoute Bach sans arrêt en gardant un parking de sous-mafieux. On sent qu’Olivier Maulin observe le monde qui nous entoure et qu’il sait s’en servir. Tout cela nous enchante, on voudrait s’appeler Totor à notre tour. Patience, cela va venir.