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Ah bon, il paraît que se tiennent les Jeux Olympiques ? Et vous nous dites que cela se passe à Rio ? Cet été qui bat son plein ne ressemble pas tout à fait aux autres, c’est le moins qu’on puisse dire. À peine avions nous fini d’applaudir les footballeurs français que la nuit s’abattait, et pour longtemps, sur la Promenade des Anglais. Et voici maintenant que la tête du père Hamel s’affiche en une des news. Ce brave prêtre en tenait, nous dit-on, pour « le dialogue inter-religieux » : il était de la génération enthousiaste de Vatican II, grand tournant pour l’Église des années 60, où la lumière d’après-guerre semblait irrésistible. Qu’a-t-il pu penser ce maudit matin où deux gamins sont venus l’égorger ? On ne le saura jamais. Peut-être a-t-il repensé un instant à ces belles années de promesse spirituelle aujourd’hui en cendres. Comme c’est étrange, il y avait une lumière, il n’y en a plus.
Hasards de la lecture, occasions d’été… Quel malin génie nous a remis en main le roman de Malraux Les conquérants, publié chez Grasset en 1928 ? Le post-préfaçant à l’occasion d’une réédition de 1949, Malraux en parle comme d’un « roman d’adolescence ». L’an 1928, c’est la période de prise du pouvoir, en Chine, par l’armée de Tchang Kaï Chek. Mao n’a pas encore paru dans son rôle magistral. Malraux raconte ce moment historique avec un sens inouï de la précision qui n’est pas du tout assez souligné alors même qu’on ne cesse de dauber sur ses délires, ses envolées. Un jour viendra, forcément, où l’on s’apercevra que Malraux a été d’abord un immense poète. Un immense poète c’est quelqu’un qui est très précis avec le langage. Malraux, l’Histoire avec un très grand H était sa matière. Les conquérants s’ouvrent sur une description de la baie de Hong Kong, la nuit. « Hong Kong. L’île est là sur la carte, noire et nette, fermant comme un verrou cette Rivière des Perles… » Et plus loin : « Un océan battu d’une pluie oblique et bordé par la longue ligne grise des hautes plateaux de Ceylan surmontés de nuages immobiles, presque noirs… » Ah bon, les ados écrivaient comme ça à l’époque ?
En 1928, la critique demandait à Malraux (il le raconte dans sa postface) : « Que sont devenues, dans l’Europe d’aujourd’hui, celles de ces valeurs qui appartiennent à l’esprit ? »Malraux, dont on sait combien le fascinait la figure du « terroriste », a fourni les réponses que l’on sait. Il avait sur l’Europe un point de vue dostoiïevskien, c’est-à-dire un point de vue qui compte avec le Mal. Est-ce dans les Anti-mémoires qu’on lit à peu près ceci : « Il arrive même parfois que la bonne conscience soit une invention du démon » ? Le monde de l’Art auquel Malraux a consacré tant d’heures de sa vie devait lui apparaître non comme un refuge mais comme une réponse possible au nihilisme terroriste. Relire Les Conquérants dans les heures que nous vivons a quelque chose de singulièrement prenant : bien sûr c’est de notre temps qu’il s’agit. Faites les raccords, remplacez les téléphones par des messages instantanés sur Facebook et vous y êtes. Bonne lecture, bon été 2016.