Donc la Chine

Donc la Chine
| Publié le : 27/05/2021

Jean-François Even est cinéaste, poète, écrivain, il a publié aux Éditions des Sourciers un recueil de poèmes sous le titre Poèmes flottants, Où seul dans sa chambre et quelques autres poèmes qui se laissent lire. Il a vécu longtemps à Wuhan en Chine, s’occupe de cinéma. Il en a tiré un récit de voyage aux Éditions Véda, Souvenirs de Wuhan, qui vaut bien la peine d’un moment d’attention. Tout le monde connaît Wuhan, depuis le virus, ce n’est pas une raison pour approfondir un peu plus. Car telle est la Chine, que si l’on ne fait pas un petit effort de silence supplémentaire, on passe à côté. Et passer à côté de la Chine, c’est dommage.

Jean-François Even raconte qu’à peine arrivé à Wuhan, il a perdu ses papiers. Dans l’instant même, il n’est plus rien dans la ville immense à plusieurs dizaines de millions d’habitants. Il y fait la connaissance d’un jeune Turc, prénommé Sendar. À deux, ils entreprennent de se tirer du bourbier. Le bourbier chinois est délicat à l’approche. Voilà deux jeunes hommes perdus dans l’empire du milieu et qui, peu à peu, à force de hasards bienheureux et d’intuitions en guise de repère, parviennent à tracer un itinéraire. Cela rappelle ces anciens films de Wim Wenders, où la seule chose à faire, en tant que spectateur, consiste à éprouver le vide du temps qui ne passe pas.

Jean-François Even, finalement, n’est pas passé à côté de la Chine, il n’ a pas cherché à faire son malin, il a laissé la Chine le modeler à sa manière, ce qui ne l’a pas empêché de rester un petit Européen vif et rebondissant. Et non pas morose déprimé comme un Français geignard. Les Européens ont été parmi les premiers à débarquer en Chine vers le XVIIe siècle, c’était le bon temps des voyages du père Huc, jésuite insatiable, qui pourrait en remontrer à nos explorateurs d’aujourd’hui. Le père Huc prenait des risques, il était une sorte de mystique à la Tintin. Nous n’avons plus jamais recroisé de tels spécimens. Il faut dire que de telles expéditions n’étaient pas sans surprises. Il est passionnant d’évaluer aujourd’hui, à la lumière obscure du temps du père Huc, ce qu’il peut en être de la Chine. C’est ce que fait Jean-François Even, sans se prendre pour l’homme d’une formule définitive

Il n’est plus question, naturellement, de considérer la Chine comme une terre de mission du temps du père Huc et plus personne ne sait très bien s’il faut prendre la Chine de l’après Pandémie comme une nouvelle révolution, avec ce que ce mot renferme de pièges infinis. Jean-François Even montre en tout cas qu’il a su déjà se familiariser avec un monde vertigineux, loin, très loin des clichés éternels. On peut méditer les paroles du songe : « Le regard ne connaît plus châtiment – le vent souffle – l’eau coule. »

Michel Crépu

 
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