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Encore quelques jours, le temps que fonde la fièvre hystérique, et Alexandre Benalla paraîtra enfin pour ce qu’il est : un sage méditant, un œil du cyclone, très à distance du cirque, ayant déjà digéré son faux petit châtiment. Un soir de disgrâce aussitôt épongée par l’amitié présidentielle. Entre les deux Benalla, le cogneur scorcesien et le philosophe de Columbia à lunettes cerclées, vient d’en surgir un troisième : un jeune haut fonctionnaire glabre, calme par dessus tout, ayant son temps pour recevoir les journalistes. L’après rasage a passé sur la demi barbe faussement voyoute (telle celle du premier ministre) de l’ancien garde du corps. Ou s’il en reste, le fil du rasoir a dicté sa loi esthétique : l’heure est à la descente – comme on le disait du LSD vers 1975. La montée au cieux d’hier a fini carbonisée dans la furia médiatique. C’est nous, désormais, que la video accuse rétrospectivement d’hallucination diabolisante. Nous avons vu un massacre où il y avait surtout de l’empoignade musclée, ce qui n’est pas la même chose, même si les brassards de police ne sont pas là où ils devraient être.
N’ a-t-on pas dit et écrit que M. Benalla possédait le code nucléaire ? Réfugié au fond de son palais, Kim Jong Un attend que M. Benalla vienne le chercher, comme le bourreau Sanson sa commande pour l’échafaud. Quoi encore de plus ridicule ? On peut dire que si la machine ne s’était pas calmée d’elle-même, le bouton nucléaire aurait vibré en vrai au fond de la poche du président. Les faits sont en réalité dérisoires, que des microscopiques batailles d’ego qui font honte, rétrospectivement, à leurs victimes. L’affaire est passionnante, cela dit, parce qu’elle permet d’observer à nu un dysfonctionnement où la hantise du déclassement est sans cesse à chercher qui dévorer. De là ces fameuses cartes de visite aux titres ronflants mais dont la puissance d’irradiation est très faible. Ce qui est énorme, c’est l’inanité de l’événement : que l’État soit devenu si faible pour que la fièvre d’un petit malin le mette au lit pour plusieurs jours, antibiotiques conseillés et travail parlementaire remis à plus tard.
On voudrait bien qu’à la prochaine séance de Versailles où M. Macron fait le point sur l’année écoulée, les auditeurs reçoivent le communiqué suivant, de la main même de Sainte-Beuve au tome 9 des Causeries du Lundi, dans son portrait du marquis de Lassay, qu’il cite : « La délicatesse dans les plaisirs, le badinage dans la conversation, le goût et la connaissances des hommes, se trouvent rarement dans l’âge où l’on a une figure aimable : cependant cet assortiment serait bien souhaitable. » Une figure aimable : voilà qui pourrait sonner aux oreilles de l’exécutif, comme un véritable « assortiment » électoral. Souhaitable.
Michel Crépu