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Cette NRF d’automne choisit de faire la part belle à l’art de la nouvelle, trop sous-estimée par la puissance romanesque. Les écrivains s’en emparent et en font le prétexte d’un nouveau plaisir littéraire, de l'histoire récente au plus contemporain, du fantastique au féminisme. Avec des nouvelles inédites d'Arthur Larrue, Gaëlle Obiégly, Salim Bachi, Chloé Delaume...
La NRF scrute aussi à sa façon un art de la berceuse, motif musical aussi bien que rituel millénaire de préparation à la nuit. Un rendez-vous oublié ou seulement en sommeil ? Le Clézio, Lionel Esparza (producteur à France Musique), Christian Bobin, entre autres nous chuchoteront leurs réponses.
D’autres rencontres au menu de ce numéro : un entretien avec Pernette Perriand, fille de l’artiste et architecte Charlotte Perriand, alors qu’une grande rétrospective lui est consacrée à la Fondation Louis Vuitton. Une conversation avec Michel Onfray, réponses à douze questions sur sa vie, son travail… Un "Giono en lui-même" par Emmanuelle Lambert, commissaire de l'exposition du Mucem. Et, plaisir de fin, les notes de lectures, qui reviennent sur l'actualité littéraire de la rentrée.
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Date de disponibilité: 01/11/2019
« Les Polonais existent, mais la Pologne, c’est autre chose… » C’est un des personnages de la nouvelle d’Arthur Larrue qui le dit parmi d’autres textes de cette NRF de novembre 2019. Il le dit à ses amis sur le ton étrange que nous connaissons aux créatures de la post-post histoire, à la fois calmement diabolique et fou.
Comme à chaque fois, l’imprimeur pétersbourgeois Balabanov questionnait Orlov sur son œuvre : « Ses racines politiques sont profondes, Nikolaï Nikolaievitch… ceci est évident pour quiconque s’en est un tant soit peu approché. Je pense aux Âmes mortes-vivantesbien sûr, qui accuse le peuple russe de ne jamais avoir pris son destin politique en main et de subir depuis à peu près mille ans une sorte de catalogue exhaustif de la tyrannie.
J’ai été neuf fois amoureuse. C’est ce que constate Adélaïde. J’ai quarante-six ans, je calcule, neuf prénoms pour combien d’années ; combien d’années en couple : vingt-huit ans de ma vie. C’est ce que découvre Adélaïde, et ce chiffre la plonge dans l’abîme, à en esquinter le plancher.
J’ignorais tout du célibat, je ne le vis pas très bien je crois, sinon je n’en serais pas là, à penser aux neuf vies du chat, capital soleil épuisé.
Frédéric Poisson est encore en peignoir lorsqu’il m’ouvre sa porte. Il est onze heures du matin et il se réveille à peine, ce branleur. Il s’assiéra bientôt, lui-aussi, sur sa chaise, pendant deux ou trois petites heures, et puis nous fera chier le reste du temps avec des considérations pathétiques sur sa prose immortelle qui mourra trois mois après sa publication.
Une femme, rencontrée dans un train, m’a ordonné d’écrire un livre sur elle. Est-ce qu’elle me l’a ordonné ou prédit – je me pose encore la question. Depuis ça, je n’ai plus rien écrit sans me sentir hors-sujet. Il me semble qu’en m’exécutant j’aurais la satisfaction ou l’illusion d’une existence altruiste – politique en quelque sorte. Sans doute n’écrirai-je jamais ce livre de commande et ce sera mon unique dette.
Les rives du lac sont recouvertes d’embruns gelés et le soleil qui s’y reflète éblouit Annie. Les bancs, comme les rambardes autour de l’eau, se sont transformés en coulées blanches et scintillantes qui semblent sorties d’une animation bon marché. Tout ce faux strass colle mal au luxe généralement discret de la ville.
Elle s’y rendait tous les matins, comme on va au jardin, comme on passe la main dans les feuilles pour en sentir la vigueur et l’humidité, comme on va effleurer les pétales des roses pour se rappeler qu’il existe une vie plus belle et que si on en est momentanément éloigné, cela ne durera pas toujours.
Dans mes souvenirs, il fallait marcher longtemps dans des rues désertes pour aller chez elle. Mais un tramway arrive désormais en haut de la butte, presqu’au pied des tours. Le soleil implacable me brûle les yeux quand je descends. C’est un arrêt flambant neuf, que je ne connais pas, et il me faut un peu de temps pour retrouver la descente familière, la grande avenue grise qui mène aux tours immenses.
Je me serais mariée dans l’espoir d’infléchir le cours de mon existence. Sans blague. Si vous étiez souillon polyvalente bénévole au sein d’une horrible famille recomposée, que vous subissiez à longueur de journée le harcèlement moral caractérisé de votre belle-mère perverse narcissique niveau expert et de ses deux filles ceintures noires en égocentrisme, vous n’auriez pas envie de vous extirper de ce milieu pathogène et d’améliorer notablement vos conditions de vie, vous ?
Michel Crépu – Y a-t-il un livre, un événement, une œuvre qui vous ont fait « bouger » récemment ?
Michel Onfray – Il y a des évènements privés, oui, qui ont bouleversé ma vie. Un AVC en janvier 2018 avec des séquelles irréversibles dans mon champ visuel. Mais comme cet accident, disons plutôt cet incident, car le pire a été évité, du moins le pire pour moi, car je sais qu’il n’aurait pas manqué d’être le meilleur pour quelques autres, arrive après un premier AVC qui lui-même avait été précédé par un infarctus quand j’avais vingt-neuf ans, cet incident, donc, s’inscrit dans une série ; il faudrait être fou pour ne pas comprendre qu’il annonce ce qui ne manquera pas d’advenir.
C’est un souvenir ancien, si ancien qu’il pourrait simplement avoir été inventé. Dans la salle à manger de ma grand-mère, à la villa Idalie (un immeuble de six étages où nous vivions dans un appartement mansardé de trois pièces, ma grand-mère, mon grand-père, ma mère, mon frère et moi) la voix de mon grand-père résonne étrangement. C’est une voix basse, enrouée de ce perpétuel enrouement des gros fumeurs, une voix chantante, avec l’accent un peu trainant et monotone du créole mauricien, je l’écoute et je suis au bord du sommeil.
L’encyclopédique Guide des genres musicaux de Montalembert n’a pas d’entrée « berceuse » ; rien non plus dans le gigantesque Musiques coordonné par Nattiez (6 600 pages tout de même). On en conclura aisément que la berceuse n’est pas un genre bien repéré, même si chacun sait parfaitement de quoi il s’agit. De fait, pas plus que la marche ou la ronde, on ne lui trouve de forme ou de structure propres. Comme celles-ci, elle relève d’une fonction primaire, à la fois sociale et intime, universelle et immémoriale, et au fond ressortit moins à l’esthétique qu’à l’anthropologie. « Chanson ou air pour endormir les enfants », résume le premier dictionnaire venu, implicitant la tradition populaire et la création collective.
Les berceuses sont pour les enfants. Qu’est-ce qu’un enfant ? C’est un être de lumière que chaque soir et parfois même dans la journée on abandonne dans le noir. Les berceuses sont les hymnes de cet abandon, en même temps qu’elles en sont l’antidote, le contrepoids sonore. Dors, chuchote la voix tendre, le souffle au ras des fleurs, le pollen de l’âme maternelle.
Enfant, pour m’endormir, je balançais la tête sur l’oreiller, de gauche à droite aller-retour, parfois des heures durant, avec la régularité d’un métronome, et tout en poussant, paraît-il, car je ne m’entendais pas, des cris de bûcheron à la cognée, de ces « han-han » qui réveillaient inévitablement mon petit frère dormant à mes côtés.
Pourquoi la berceuse m’inspire t-elle la dévoration ? Quelle rime ? Quel rythme ? Quelle analogie ? Quelle secrète corde le mot fait-il résonner, ce mot allongé, aplati au fond comme sur un banc de sable, au fond de la mère, ce mot du marchand de sable, ce mot déjà endormi, insouciant de tous les maux de la terre ? Ceux qui vont venir, cela est certain, sitôt endormie, me dévorer.
Le 27 octobre 2019 verra le vingtième anniversaire de la disparition de Charlotte Perriand, artiste, designeuse, architecte, qui prônait pour tous et appliquait pour elle un fructueux dialogue entre les arts. Un prétexte comme un autre pour mettre en lumière l’œuvre de ce génie du xxe siècle qui, plus qu’un répertoire de formes, a inventé un art de vivre. Sont prévus : une grande exposition sur plus de 4000m2 à la fondation Vuitton. Un ambitieux catalogue. Et pas moins de trois biographies. Simple prétexte donc, qui tombe à pic, tant l’art humble et visionnaire de Charlotte Perriand ne cesse d’en faire une contemporaine.
En 2016, le Mucem de Marseille dédie une exposition à Jean Genet, dont Albert Dichy et moi sommes les commissaires. Elle ouvre en avril, pour l’exact trentième anniversaire de sa mort. Cela n’a qu’une importance discrète, mais belle. Une exposition redonne toujours vie à la chose inerte. À la fin des deux journées consacrées aux visites privées, je retrouve Jean-François Chougnet, le président du Musée, à la sortie de la salle. Il fait les cent pas sur l’esplanade du fort Saint-Jean, la tête si occupée qu’on jurerait voir une vapeur animée s’échapper de son crâne, si l’on était doté de quelque don hallucinatoire. Il parle bas, murmure : « Tu aimes Jean Giono ? »
La littérature contemporaine va bien, mettons. À moins d’un cataclysme souvent annoncé, il en sera toujours ainsi : elle sera produite, et suivie. Toujours il y aura une « littérature d’aujourd’hui» ». La littérature d’hier ne va pas mal. Tant qu’on réussira à vendre comme des best-sellers trois ou quatre auteurs pour chacun des cinq derniers siècles – le xxe siècle n’est désormais guère mieux loti que le xviie siècle –, on considérera qu’elle n’est pas morte.
J’ai longtemps vécu à Berlin et j’y retourne régulièrement. Strasbourgeois, Européen, je suis un homme de frontières, un écrivain de double culture – au moins. Enfant, seul un grand fleuve (et une certaine appréhension) me séparait de l’Allemagne, et lorsque j’allais nager à Kehl, il n’y avait plus de frontière, déjà, seulement des drapeaux qui claquaient au vent, des péniches majestueuses et le pont du Rhin, lieu de passage et de transition, d’une langue l’autre, le français et l’allemand. Les fleuves, les langues, sont des plaisirs et des caprices d’Européens.
En cet automne où nous commémorons les trente ans de la chute du Mur, promenons-nous dans Berlin, autour de la porte de Brandebourg et de ses lieux de mémoires allemands et européens.
« Il fut un temps où j’aurais su, de manière certaine, si le fait de lire les Lettres à un jeune poète de Rilke à un chien était ou non un signe de déséquilibre mental. » Que ce chien, un grand danois prénommé Apollon, mesure 86 cm au garrot et pèse 82 kilos n’arrange pas vraiment le tableau. La narratrice de ce roman subtil et profond en a hérité après le suicide de son ami de toujours...
Au commencement, il y a l’amour du bleu. Puis il y a la baise. Et le deuil.
À travers ces fragments poétiques et réflexifs, propositions d’un traité d’antilogique puisque la vie est telle, Maggie Nelson explore un genre littéraire : le deuil amoureux. Elle décrit le manque, douleur physique du drogué, catégorie amante délaissée. Dans la langue, le bleu rassemble les cernes laissés par les larmes (blue-eyed), l’alcoolisme (blue devils : delirium tremens), le sexe (blue movie : film X).
« Moi, je préfèrerais ne pas. » Telle est l’attitude de la narratrice de ce premier récit aussi intimiste que drôle face à la mort de son père, Jean-Pierre Pauly, dont on comprend qu’il n’est autre que le père de l’auteure. Mais là voilà obligée de se retrouver seule avec lui, « mon père macchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misanthrope, mon vieux père carcasse », et avec la maison familiale de Carrières-sous-Poissy à vider, sans pouvoir compter sur son ombrageux frère Jean-François et sa fâcheuse tendance à l’engueuler « avec des mots tout droit sortis du Trésor de la langue française », ni sur leur mère, décédée quelques années plus tôt.
Martine de Rabaudy nous livre un témoignage sans équivalent sur la maladie qui frappa Florence Malraux (1933-oct. 2018) à partir de 2016, qui nous laisse sans consolation. Florence qui avait vécu l’époque de la persécution des juifs avec Clara, sa mère, la fuite, qui avait ensuite construit sa vie autour et par le cinéma, par la rencontre avec nombre d’écrivains devenus célèbres, incarna la discrétion et l’élégance faites femme.
On a beaucoup parlé des animaux ces derniers temps. On a même remarqué que les rapports de la littérature avec les animaux ne sont pas simples, empreints d’une espèce de gêne. Tout le monde n’est pas Colette, si merveilleusement à l’aise. Hormis les salons ténébreux où Proust se plaisait à faire crever des rats pour sa volupté personnelle, on n’aperçoit guère d’animaux de compagnie dans les couloirs de la Recherche (et d’ailleurs les fameux rats nous sont rapportés par les biographes, mais Proust ne les introduit pas dans son roman).
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